Comment améliorer la sécurité à bord des trains ? La question se pose depuis la tentative d’attentat avortée dans un Thalys en août dernier, et encore plus depuis les attentats qui ont frappé Paris le 13 novembre. Gouvernements et compagnies ferroviaires de toute l’Europe planchent sur le sujet, mais l'Etat français a décidé de ne pas perdre de temps. Mardi matin, Ségolène Royal a ainsi annoncé l’installation imminente de portiques de sécurité pour accéder aux Thalys. Mais un tel dispositif peut difficilement être généralisé à l’ensemble des trains.
Des portiques installés d’ici le 20 décembre. "Nous avons examiné hier les propositions de Guillaume Pepy (PDG de la SNCF, ndlr). Des décisions ont été prises. Elles vont dans la bonne direction. Elles reprennent ce que j’avais demandé après les tentatives d’attentats dans le Thalys : protégeons les trains internationaux", a déclaré la ministre de l’Ecologie sur France Inter. Et cette dernière d’annoncer : "la décision c’est d’installer des portiques à Lilles et Paris avant le 20 décembre, ce sera fait à Bruxelles ensuite".
A quoi ressemblent ces portiques ? Il existe de nombreuses possibilités pour contrôler les accès aux trains, qui vont du simple portique automatique contrôlant les billets pour accéder au quai – comme c’est le cas dans plusieurs gares britanniques - aux zones de contrôles bien plus élaborées, comme c’est le cas pour l'Eurostar. Les voyageurs voient alors leur identité contrôlée puis passent à travers un détecteur de métaux tandis que leurs bagages sont passés aux rayons X, comme dans les aéroports. A en croire les déclarations de Ségolène Royal, c’est la version la plus sophistiquée qui serait privilégiée. Une piste impossible à vérifier du côté de la SNCF qui, interrogée par Europe 1, a refusé de donner plus de détails.
Un tel dispositif peut-il être généralisé ? Une telle généralisation pose de nombreux problèmes. "Il faut se méfier des solutions qui semblent faciles mais ne sont ni adaptées, ni pertinentes pour le transport ferroviaire", prévient Gilles Dansart, spécialiste transport ferroviaire et rédacteur en chef de Mobilettre, au micro d’Europe 1. Et ce dernier de soulever un premier risque : "si on ajoute plus de 30 minutes au temps d’accès au train, on tue la grande vitesse et son avantage comparatif par rapport aux autres modes de transport".
Il y a surtout le coût de ces appareils et de leur fonctionnement : ce dernier "a été chiffré (par) la SNCF", assure Ségolène Royal sans préciser de montant mais en soulignant qu'il s'agirait de "technologies françaises". Gilles Dansart avance un chiffre : entre 150 et 200.000 euros le portique. Et ce n’est pas tout : "il ne suffit pas d’installer des portiques, il faut des hommes les faire fonctionner et c’est cela qui coûte le plus cher. Les principaux frais des aéroports de Paris, ce sont justement ces personnes", précise-t-il.
Mais il y a aussi les conséquences en termes de fluidité dans les gares. Le trafic humain est en effet vingt fois plus important dans les gares que dans les aéroports et l’installation de tels portiques risque de provoquer des embouteillages de voyageurs et des retards. Le manque d’espace pour installer ces zones de contrôles pose aussi problème. Sans oublier un autre effet pervers souligné par Gilles Dansart : les files d’attente pourraient devenir une cible des attaques.
Des portiques réservés aux lignes internationales. La généralisation des portiques dans les 230 gares de France n’est donc pas pour demain. Seules les lignes internationales devraient être concernées à court et moyen terme. Ces dernières sont en effet considérées comme les plus ciblées par la menace terroriste, même si certains rétorqueront que des liaisons ferroviaires stratégiques telles que Paris-Marseille ou Paris-Strasbourg sont tout aussi exposées.
"Il est difficile de dupliquer le système aéroportuaire au transport ferroviaire. Le nombre d’utilisateurs est d’abord beaucoup plus important. Plusieurs vecteurs sont employés, comme les trains grande vitesse, les trains régionaux, ou bien encore le métro… C’est une complexité difficile à gérer. Il est nécessaire d’adapter, de moduler les mesures de sûreté de sorte à ne pas remettre en cause le système de transport de masse. (…) La difficulté si l’on veut généraliser ce type de système est d’augmenter le niveau de sûreté tout en ne perturbant pas trop les flux de passagers", soulignait Jakub Adamowicz, le porte-parole du commissaire européen aux transports, dans un entretien accordé lundi au site du magazine L'Usine Nouvelle.
D’autres pistes pour améliorer la sécurité. Jakub Adamowicz évoque dans son entretien d’autres pistes moins contraignantes que les portiques mais qui permettraient d’améliorer la sécurité : "on peut par exemple équiper toutes les voitures d’un train avec des caméras de surveillance et établir un programme de formation pour le personnel en cas d’attaque". Une précision s’impose : il ne s’agit de n’importe quelles caméras, puisqu’elles seraient reliées à un logiciel permettant de détecter les mouvements suspects dans la foule.
Autre piste envisagée par Ségolène Royal : "la possibilité de mettre en place des systèmes de billets nominatifs", comme c’est déjà le cas pour les avions. Encore faut-il que cela soit couplé à un contrôle des identités. Sans oublier un autre risque, soulevé par le rédacteur en chef de Mobilettre : il existe un important marché de revente des billets. Rendre tous les billets nominatifs y mettrait fin et priverait le train de l’un de ses atouts, une plus grande flexibilité par rapport au transport aérien.
Dernière solution envisagée : ne rendre les quais des gares accessibles qu'aux seuls voyageurs. Des "barrages filtrants" opérés par les agents de sécurité de la SNCF contrôleraient l’accès aux quais et seraient autorisés à fouiller les bagages en cas de soupçon. Une solution qui a le mérite d’être applicable puisqu’elle est déjà en vigueur sur tous les IDTGV et OuiGo.