Les prochains mois s’annoncent difficiles chez EDF, pourtant habitué à une certaine paix sociale en interne. Lourdement endettée, l’entreprise a dévoilé vendredi un vaste plan d’économies censé lui permettre de préserver ses comptes tout en investissant dans de nouveaux projets. Ces futurs projets, dont celui controversé d’Hinkley Point au Royaume-Uni, se feront au prix d’une cure d’austérité.
Pourquoi EDF doit-il se serrer la ceinture ? L’électricien doit faire face à une série de dépenses qui se chiffrent en milliards d’euros. Il y a d’abord le plan de grand carénage, une série de grands travaux censés permettre aux centrales nucléaires françaises de fonctionner dix années supplémentaires. Coût du chantier : au moins 55 milliards d’euros. Il y a aussi le démantèlement des centrales les plus âgées et la gestion des déchets radioactifs. Le coût réel d’une telle déconstruction est encore incertain, tandis que le stockage des déchets risque de coûter plus cher qu’EDF ne l’anticipe. En outre, EDF doit absorber Areva, qu’il a sauvé de la faillite sur l’insistance de l’État français. Une opération qui se chiffre à au moins 2,5 milliards d’euros.
Face à de telles dépenses, le projet de construire deux centrales EPR à Hinkley Point suscite de vifs débat au sein de l’entreprise : ce chantier est estimé à plus de 23 milliards d’euros, une échelle telle que le moindre incicdent pourrait coûter très cher à EDF, voire le déstabiliser. Or, les deux premiers EPR européens ne cessent d’accumuler les bévues, en France comme en Finlande, ce qui invite à la prudence. Une bonne partie des employés ne cachent donc pas son opposition à ce dernier projet, tandis que la direction et l’État français veulent en faire une vitrine du savoir-faire tricolore.
Comment compte-t-il réaliser des économies ? EDF prend de grands risques en s’engageant dans de si nombreux chantiers, d’autant que sa dette avoisine les 37 milliards d’euros. Pour retrouver des marges de manœuvre financières, EDF va donc entamer une cure d’austérité tous azimuts.
- Certains actifs mis en vente. Pour récupérer de l’argent frais, EDF prévoit notamment de vendre plusieurs de ses participations. Il doit notamment céder "d'ici fin 2016" une partie du capital de RTE, qui gère le réseau électrique en France : la mise en vente pourrait concerner jusqu'à 50% du capital de RTE. Plusieurs centrales à charbon polonaises et les dernières activités qu’il détient encore aux États-Unis vont également être vendus.
- Des investissements moins importants. EDF va en outre passer en revue tous les investissements prévus pour ne conserver que ceux qui sont jugés stratégiques. Ainsi, alors qu'il prévoyait d'investir 12,5 milliards d'euros d'ici 2018, ce ne sera finalement que 10,5 milliards.
- Un coup de pouce de l’État. EDF et la France se confondent souvent : l’État détient 85% du capital de l'électricien et influe grandement sur ses choix stratégiques. Le projet d’Hinkley Point est donc aussi celui du gouvernement français et EDF compte bien le lui rappeler : il a demandé à l’Etat de réinjecter de l’argent dans l’entreprise. Le montant de cette augmentation de capital est de 3 milliards d'euros, ont annoncé vendredi les ministres des Finances et de l'Économie. En outre, l'État a accepté de recevoir ses dividendes des exercices 2016 et 2017 en actions et non en numéraire.
- Une réduction des coûts. "EDF doit être économe", avait prévenu son PDG dès janvier 2016. L’entreprise va donc mener un vaste audit pour réduire ses coûts, avec un objectif revu à la hausse : économiser au moins un milliard d'euros d'ici 2019, et non plus 700 millions d'euros d'ici 2018. La direction n'a en revanche pas évoqué de suppression de postes. Il faut dire qu'elle a déjà annoncé en janvier dernier que 4.000 départs à la retraite ne seraient pas remplacés d’ici 2018. Pour rappel, EDF compte aujourd’hui un peu moins de 70.000 employés.
Toutes ces propositions doivent être débattues jeudi prochain lors d’un comité central d'entreprise (CCE) qui s’annonce houleux. Pour ménager ses troupes, la direction s'est donné quelques mois de plus pour débattre en interne du projet d'Hinkley Point, sans pour autant le remettre en cause.