Le Premier ministre Édouard Philippe a dévoilé lundi une série d'annonces "transversales" sur la réforme de la fonction publique, parmi lesquelles la création d'une agence de reconversion pour les fonctionnaires, la dématérialisation des services publics, mais aussi le recours très élargi aux contractuels dans les administrations.
En France, actuellement, le secteur public emploie, hors contrats aidés, 942.600 contractuels sur un total de 3.844.300 fonctionnaires, soit pas moins de 24,5% de l'effectif, selon le rapport 2018 sur l'état de la fonction publique, qui se réfère à l'année 2016. Carole est l'une de ces contractuels. Chez Wendy Bouchard, elle a raconté la réalité de son travail, précaire, mal payé et en mal de reconnaissance.
Emmanuel Macron voulait supprimer 50.000 postes de fonctionnaires. Mais...
"On n'a droit à rien". "Nous, les contractuels, on est laissés pour compte. On est quand même sur la base des 35 heures payées au Smic", explique sur Europe 1 la jeune femme, employée depuis douze ans à Montpellier dans l'administration de l'Education nationale. Son poste exige d'elle une grande adaptabilité, pour une rétribution toute relative. "On peut remplacer les catégories C (l'échelon le plus bas en termes de rémunération, ndlr), B, et éventuellement A (la plus élevée, ndlr). Ça m'est arrivé, et on n'est pas beaucoup plus payé. Je crois avoir reçu 70 euros bruts en plus de mon salaire pour remplacer une catégorie A qui touchait plus de 2.000 euros", souligne Carole.
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En se basant sur des statistiques de 2015, Force ouvrière indiquait que 20,6% des contractuels occupaient un poste relevant de la catégorie A, 19,7% de la catégorie B et 53,8% de la catégorie C. Le métier de contractuel dans la fonction publique ne présente, selon elle, "aucun avantage." "Pas d'échelon, pas de prime. On n'a droit à rien", dénonce-t-elle.
"Beaucoup de nos services publics reposent sur eux". Pourtant, ces employés sont parfois les cibles de critiques. "Dire que les contractuels seraient moins bien formés, moins efficaces… c'est leur faire un procès un peu facile, dans la mesure où beaucoup de nos services publics reposent sur leurs épaules", considère sur notre antenne Agnès Verdier-Molinié, directrice de la Fondation iFRAP, un think tank indépendant qui évalue les politiques publiques.
Elle en veut pour preuve les chiffres de l'absentéisme. "On se rend compte que les statutaires sont beaucoup plus absents que les contractuels. Dans la région Grand Est, les titulaires sont à 36 jours d'absence, et les non-titulaires à 8 jours d'absence", note la spécialiste, auteure d'En marche vers l'immobilisme (Albin Michel). "Il y a de la part des titulaires une façon de repousser le travail sur les contractuels et sur les vacataires qui est indéniable."
Vers une contractualisation généralisée ? Or, selon Agnès Verdier-Molinié, quand les contractuels sont embauchés, ils adoptent les mêmes comportements que les statutaires. On a donc toujours besoin de faire appel à des contractuels. Partant de ce constat, la directrice de la Fondation iFRAP considère qu'il faudrait plutôt "basculer vers une contractualisation totale, plutôt que de conserver la concomitance entre statut et contrat."
Édouard Philippe a annoncé pour "début 2019" le projet de loi qui doit permettre d'atteindre l'objectif fixé par Emmanuel Macron de 50.000 suppressions de postes d'agents publics d'État d'ici 2022.