Le déficit public de la France a atteint 5,5% du PIB en 2023, à 154 milliards d'euros, a dévoilé mardi l'Insee, soit bien plus que les 4,8% de déficit réalisés en 2022 et que les 4,9% initialement prévus par le gouvernement pour 2023. Ce dérapage s'explique notamment par des recettes qui "ralentissent nettement en 2023", en progression de 2,0% contre +7,4% en 2022, expose l'Institut national de la statistique et des études économiques dans un communiqué.
Les dépenses continuent de reculer
Elles ont été "pénalisées par le ralentissement de l'économie, des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, et un recul des transferts reçus", précise l'institution, évoquant des impôts "quasi à l'arrêt", augmentant "seulement de 0,3% (+2,8 milliards d'euros) après +7,9% en 2022". Les recettes de TVA, notamment, "ralentissent nettement à +2,8% après +7,6%". Les dépenses ont elles aussi "un peu" ralenti: "elles augmentent de 3,7% après +4,0% en 2022", indique l'Insee. "En proportion du PIB, les dépenses continuent de reculer et s'établissent à 57,3% du PIB après 58,8% en 2022", précise-t-il, mais elles restent cependant "sensiblement supérieures à l'avant Covid (55,2% du PIB en 2019)".
>> LIRE AUSSI - Les LR voudraient rebondir sur la dette pour faire tomber le gouvernement, via une motion de censure
Les dépenses de fonctionnement (+6,0%) et les prestations sociales "accélèrent" (+3,3%, après +1,2% en 2022), portées "par la revalorisation des prestations indexées sur l'inflation", indique l'institution. "Les rémunérations versées accélèrent également : +4,6% après +4,4%, avec l'effet en année pleine de la revalorisation indiciaire de juillet 2022, la revalorisation de juillet 2023, et un emploi public plus dynamique que les années précédentes", est-il précisé.
La dette publique diminue, elle aussi, mais moins vite qu'attendue par le gouvernement
Le chiffre de l'Insee sur le déficit était particulièrement attendu car chaque décimale compte pour les finances publiques. "Pour faire simple, chaque 0,1 point" de PIB de déficit supplémentaire en 2023 "représente environ 3 milliards" d'euros manquant dans les caisses de l'Etat, a expliqué à l'AFP l'économiste Mathieu Plane. Le gouvernement avait prévenu début mars que le déficit serait "significativement" plus élevé que les 4,9% initialement prévus et les spéculations allaient bon train depuis une semaine sur le chiffre exact, depuis notamment l'évocation par la presse d'un déficit à 5,6% du PIB.
La dette publique française atteint elle 110,6% du PIB fin 2023, a précisé l'Institut national de la statistique et des études économiques. C'est moins qu'en 2022, où elle s'affichait à 111,9%, mais presque un point de pourcentage au-dessus de la prévision du gouvernement (109,7%).
Quelles pistes pour s'en sortir ?
Bruno Le Maire affirme que l'objectif budgétaire du gouvernement reste le même : un déficit ramené à 3 % du PIB en 2027. Le ministre de l'Economie a répété encore ce mardi qu'il ne souhaitait pas d'augmentation d'impôts. Mais les Français devraient finir par payer et des premières mesures peuvent être assez vite décidées, selon l'économiste spécialiste des finances publiques Éric Pichet : "C'est par exemple de ne pas augmenter le barème de l'impôt sur le revenu au niveau de l'inflation, on économise 5 ou 6 milliards. De ne pas indexer les pensions de retraite sur l'inflation, on économiserait encore 5 ou 10 milliards. C'est là où il y a des gisements d'économies les plus importants. Mais évidemment, c'est très impopulaire."
Sans oublier l'éléphant dans la pièce : les dépenses publiques, notamment les dépenses sociales. Agnès Verdier-Molinié, la directrice de l'iFRAP, assure qu'il ne faut pas hésiter. "Ce sont des milliards d'euros qu'on peut économiser sur la dépense d'éducation", mais aussi sur "les aides sociales", selon elle. "Des milliards aussi qu'on peut économiser sur l'absentéisme dans notamment dans les collectivités locales, des agents publics. On peut viser très très facilement 50 à 60 milliards d'euros d'économies d'ici quatre ou cinq ans", conclut-elle.
Tout cela reste théorique. Le contexte politique demeure délicat, l'exécutif n'ayant pas de majorité au Parlement. Il faudra donc se tenir sur une ligne de crête, trouver plusieurs dizaines de milliards d'euros d'économies dans les prochaines années, tout en ne donnant pas l'impression de virer dans l'austérité.