Après un mois de décembre compliqué, qui avait déjà conduit le gouvernement à leur apporter des mesures de soutien, les commerçants parisiens, notamment ceux des Champs-Élysées, pensaient sans doute que le plus dur était derrière eux. Mais samedi, des manifestants radicalisés, auxquels se sont mêlés des "black blocs", s’en sont violemment pris aux magasins de la célèbre avenue. À Paris, "91 commerces (dont environ 80 sur les Champs, ndlr) ont été impactés par les manifestations, dont 80% assez lourdement touchés (casse, vols, incendies…)", a précisé lundi la Chambre de commerce et d'industrie de Paris et d'Île-de-France.
"Tous les secteurs d'activité ont été touchés : restauration, hôtellerie, équipement de la personne, équipement sport et mode, bijouterie-joaillerie-horlogerie, téléphonie et technologie, parfumerie-cosmétique et optique, boulangerie-pâtisserie et généralistes, banques...", souligne la CCI. Parmi les boutiques et commerces les plus touchés : la brasserie huppée Le Fouquet's, des enseignes de prêt-à-porter (Celio, Lacoste, Hugo Boss), le chocolatier Jeff de Bruges, mais aussi le magasin du fabricant chinois de smartphones Xiaomi, inauguré mi-janvier, ainsi que de modestes kiosques à journaux.
DÉCRYPTAGE >> Violences sur les Champs-Élysées : comment les "black blocs" ont-ils pu faire autant de dégâts ?
Les violences de trop pour les commerçants. "Le seuil de l’acceptable est dépassé. Les gens ont peur, il faut que cela cesse", dénonce dans Le Figaro Jean-Noël Reinhardt, président du Comité des Champs-Élysées. "Les employeurs et leurs salariés rencontrés sont traumatisés par la répétition et l'intensité des violences", ajoute la CCI de Paris. "J'ai perdu mon emploi, je suis révolté", confie enfin à Europe 1 José, dont le kiosque a été incendié samedi. "Normalement, ce mouvement c'était pour qu'on puisse avoir du travail, qu'on puisse gagner dignement sa vie, pas pour qu'on foute les gens encore plus sur la paille, tel que moi, à 45 ans", s'emporte le kiosquier.
Au-delà de l’impact psychologique, c’est d'abord sur le plan économique que les commerçants parisiens tirent la sonnette d’alarme. Ces violences représentent en effet pour eux "entre 30 et 50% de pertes de chiffres d'affaires", selon Gérald Barbier, le président de la Chambre de commerce de Paris, interrogé par Europe 1. "Des établissements qui ont fermé, pour l'instant, on n'en a pas, mais on va en avoir", déplore-t-il.
Des mesures fortes attendues. Les commerçants en ont ras-le-bol et ils ont décidé de le faire savoir en interpellant le gouvernement. "On a demandé un rendez-vous au Premier ministre, pour lui faire part de notre exaspération et lui présenter nos doléances. Il faut que les pouvoirs publics mettent un terme à cette situation", a réclamé Jean-Noël Reinhardt, président du Comité des Champs-Élysées. De son côté, la CCI sollicite de la part des pouvoirs publics des "mesures fortes", parmi lesquelles "un véritable plan d'urgence" pour le commerce parisien, "à l'instar de celui proposé par l'État pour les commerces des métropoles de province".
Pour l’instant, seules des fonds municipaux ou régionaux ont pu être débloqués pour aider les commerçants. La région Île-de-France va ainsi adopter mardi un fonds de soutien de 1,5 million d’euros pour aider les commerces touchés. La maire de Paris Anne Hidalgo a, elle, mis en place "un dispositif d’urgence", promettant ainsi que "les kiosques détruits sur les Champs-Élysées seraient rouverts dès la semaine prochaine". Mais cela ne suffira sans doute pas à calmer des commerçants très remontés.
Réunion en urgence à Bercy. Pour tenter de chiffrer le bilan économique des manifestations et trouver des solutions pour soulager les commerçants touchés par les dégradations, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire tient lundi à Bercy, à 16h30, une réunion avec des organisations patronales et des représentants de commerçants et des assureurs.
"On en a assez de signer des chèques"
Derrière les commerçants victimes de dégradations, il y a les assurances, au four et au moulin après chaque samedi de manifestation. "La facture s'accroît à chaque événement. Nous avons eu 4.000 déclarations de sinistre d'entreprises depuis le début du mouvement", affirme sur Europe 1 Bernard Spitz, président de la Fédération française des assurances. "On en a assez de signer des chèques. Mais je pense surtout aux gens qui sont privés d'activité, notamment les kiosquiers qui n'ont pas les reins assez solides pour rebondir avec leurs propres moyens."
Pour autant, Bernard Spitz assure qu'il ne se rend pas à Bercy lundi pour pousser un coup de gueule. "Le rôle des assureurs c'est d'être au service de leurs clients, pas de faire pressions sur les uns et les autres. On ne va pas dicter leur conduite aux pouvoirs publics", assure-t-il. À la place, les efforts se concentrent sur "la mobilisation des équipes pour accompagner les victimes dans les meilleurs conditions possibles".