Yanis Varoufakis est presque en vacances. Alors que ses anciens collègues enchaînaient les interminables réunions à Bruxelles, l’ancien ministre grec des Finances avait été absent lors d'un vote crucial au Parlement grec, préférant passer du temps avec sa fille. Lundi, alors qu’un accord a été trouvé entre Athènes et l’Union européenne après des semaines de doute, le magazine britannique New Statesman publie une interview de Yanis Varoufakis. Morceaux choisis.
Deux heures de sommeil pendant cinq mois. Si quelqu’un en doutait, l’ancien ministre est bien heureux d’avoir quitté le gouvernement. Il se dit même "aux anges". "Je n’ai plus besoin de vivre selon cet agenda frénétique, qui était totalement inhumain et incroyable", se satisfait Yanis Varoufakis, qui dit avoir dormi "deux heures par nuit pendant cinq mois".
Les pays endettés et les élections. Pour autant, Yanis Varoufakis a aimé "de nombreux aspects" de son travail de ministre. Il dit aussi avoir été impressionné de rencontrer "les hommes en place", ceux qui détiennent le pouvoir et qui "s’adressent directement à vous". "La situation était bien pire que ce que vous imaginez, donc c’était drôle d’être assis au premier rang" pour découvrir "le manque complet de scrupules démocratiques". L'économiste raconte notamment une anecdote à son arrivée au pouvoir : Wolfgang Schäuble, le ministre allemand, lui explique qu’il est hors de question de renégocier le programme d’aide sous prétexte d’un changement de gouvernement en Grèce. "Nous sommes 19, il y a toujours des élections et si à chaque élection", il fallait renégocier, "les contrats ne voudraient plus rien dire", aurait expliqué l’Allemand, surnommé Dr. Schäuble. Le Grec ironise alors, en proposant d’arrêter les élections dans les pays endettés. Un silence gêné suit, interprété par Varoufakis comme une demi-approbation.
Michel Sapin et Doc Schäuble. Yanis Varoufakis dévoile sa franche inimitié avec son ex-homologue allemand. Doc Schäuble, comme il le surnomme, contrôle "tout à fait et complètement" l’Eurogroupe, décrit comme "un orchestre très bien dirigé par ce chef d’orchestre", selon le Grec. Pour autant, des voix discordantes se font parfois entendre. "Seul le ministre français des Finances a fait entendre une voix différent de la ligne allemande", estime Varoufakis, qui continue : "Cette petite musique était très subtile". Mais Michel Sapin n’a jamais pu avoir le dernier mot, selon le ministre grec : "Au final, le ministre français des Finances pliait toujours et acceptait" la position allemande.
Un chat chassant sa queue. Yanis Varoufakis utilise une image forte pour décrire la teneur des négociations : "C’était comme un chat chassant sa propre queue". Pendant cinq mois, il est celui qui a négocié, alors sans succès, avec l’Eurogroupe pour trouver une sortie de crise. Il donne au magazine britannique sa vision des discussions. "Ils nous ont demandé ce que nous comptions faire avec la TVA. Ils rejetaient ensuite notre proposition mais sans faire eux-mêmes une contre-proposition", assure l’ancien ministre. "Mais avant que nous arrivions à nous entendre sur la TVA, ils passaient à un autre problème, comme les privatisations." Et ainsi de suite, ce qui explique, selon lui, le blocage de ces derniers mois.
L’hymne suédois. Yanis Varoufakis se souvient notamment de ce sentiment, "quand vous avez des personnages très puissants qui vous regardent dans les yeux et vous disent : 'Vous avez raison mais nous allons vous détruire quand même'". Selon lui, les membres de l’Eurogroupe (ses homologues de la zone euro) "refusaient de but en blanc de parler d’économie". "Vous pourriez tout aussi bien chanter l’hymne national suédois que ce serait pareil", lâche l’homme qui a agacé les responsables européens pendant six mois.
Varoufakis détesté ? Pour autant, Yanis Varoufakis raconte avoir eu des messages de sympathie (informels) de certaines personnes, notamment au sein du Fonds monétaire international, un des trois créanciers de la Grèce. Mais de là à garder contact avec certains de ses anciens homologues ? "Hum, je ne suis pas sûr. Je ne mentionnerai aucun nom maintenant pour ne pas détruire leur carrière !", conclut-il.