"J'arrive ici à Cuba avec beaucoup d'émotion car c'est la première fois qu'un président de la République française vient à Cuba", a déclaré François Hollande lundi, à son arrivée sur l'île. Premier chef d'Etat occidental à se rendre à Cuba depuis l'annonce du dégel entre l'île et les Etats-Unis, le président effectue une visite historique à La Havane. Et cette visite n'est pas que symbolique, tant les enjeux économiques sont énormes.
La France a une grande marge de progression. Aujourd'hui, la France exporte sur l'île des céréales, des engrais agricoles et du matériel de transport... Elle est le quatrième investisseur mondial à Cuba. Et une soixantaine d'entreprises est déjà installée sur place. Mais il reste une forte marge de progression. Et le dégel entre l'île et les Etats-Unis, prémisse attendue d'une levée de l'embargo commercial frappant Cuba, pourrait bien permettre de combler cette marge.
Dixième partenaire économique de l'île, très loin derrière la Chine, la Russie ou le Venezuela par exemple, la France veut renforcer sa présence sur le marché cubain et ne pas laisser passer le train de l'ouverture économique. De nombreux chefs d'entreprises accompagnent d'ailleurs François Hollande sur cette tournée.
Après l'annonce de la reprise du dialogue avec les Etats-Unis, "j'ai eu la chair de poule, presque une bouffée de joie. Il y aura autant d'Américains à Cuba que de chambres construites", se réjouit ainsi au micro d'Europe 1 Eric Peyre, représentant du groupe hôtelier Accord, qui ambitionne de construire 200 hôtels pour accueillir les futurs touristes. Des dirigeants de la SNCF, d'Air France et d'Orange sont également du voyage, pour tenter de se placer sur les futurs besoins en infrastructure de l'Île.
>> Stéphane Witkowski, président du Conseil de Gestion de l’Institut des Hautes Études d’Amérique Latine, nous explique lundi matin l'enjeu de la visite de François Hollande à Cuba (à partir de 5 minutes pour l'économie) :
"Aucun président français n'était allé à Cuba...par Europe1fr
Une ouverture sur l'Amérique. Mais l'accès au marché cubain n'est pas le seul enjeu. Quelques contrats doivent être signés lundi, mais "ce n'est pas tant le montant qui va compter que d'accéder à des marchés latino-américains", a souligné le président français. Le groupe Pernod Ricard, première entreprise tricolore présente sur l'île, espère ainsi se voir ouvrir le marché américain pour son rhum produit à Cuba, sous la marque Havana club. Aujourd'hui, embargo oblige, le groupe français ne peut pas vendre ce rhum aux Etats-Unis. "Aux Etats-Unis, le rhum cubain était un fruit défendu. Désormais, ça peut aller très vite", s'enivre déjà Jérôme Cottin-Bizonne, le patron de Havana club. La France, très présente dans le domaine des biotechnologies sur l'île, espère pouvoir rayonner sur le continent.
La concurrence sera rude. Toutefois, rien ne sera facile pour les entreprises françaises. D'une part, il va falloir convaincre les autorités. "L'Etat a son mot à dire ici. Les entreprises reviennent souvent bredouilles. Le changement ne se fera qu'avec son accord", décrypte Benoît Croonenberghs, conseiller économique à Cuba. Et les autres pays n'ont pas perdu de temps, même s'ils n'ont pas encore envoyé leur chef d'Etat. Le ministre cubain du Commerce extérieur a récemment rencontré des délégations d'hommes d'affaires britanniques, espagnols et brésiliens. Les entreprises américaines multiplient également leurs propositions d'investissements.
Le VRP François Hollande n'a donc pas manqué de rappeler le soutien de la France à Cuba concernant l'embargo américain qui pénalise l'île depuis 1962. Chaque année depuis 1991, Paris vote en faveur de la résolution demandant la levée de l'embargo à l'Assemblée générale de l'ONU. "Cuba veut maintenant passer à une autre phase, une autre période, un autre temps pour cette île qui a été victime d'un embargo", a déclaré François Hollande dimanche.
L'ouverture économique de Cuba n'est désormais plus qu'une question de temps. Et la concurrence sera rude. "Le jour où les Etats-Unis lèveront l’embargo […] ça va créer un appel d’air phénoménal. Il s’agit de se positionner", résume un proche du président à l'AFP.