C’est un sévère revers que vient de subir Uber en Italie. Le tribunal de Rome a statué en faveur des chauffeurs de taxi en interdisant l’ensemble des offres d’Uber sur le territoire, à l’exception d’Uber Eats, service de livraison de repas. Pour les juges italiens, la plateforme de VTC constitue une concurrence déloyale pour les taxis. Uber a annoncé sa volonté de faire appel mais cette décision de justice est un coup d’arrêt brutal pour l’entreprise américaine. Surtout, l’Italie vient s’ajouter à la liste des pays où Uber a échoué à imposer son modèle.
La plus retentissante reste la mésaventure d’Uber en Chine. Arrivée en 2015 sur ce gigantesque marché, la plateforme de VTC a investi deux milliards de dollars et a opéré à perte mais elle est tombée sur un os : Didi Chuxing, un concurrent chinois qui met en relation les clients avec des taxis traditionnels. Avec 300 millions d’abonnés, Didi était un adversaire trop coriace pour Uber qui a fini par jeter l’éponge à l’été 2016. Le leader chinois a absorbé l’activité d’Uber en Chine tandis que la société de Travis Kalanick prend 20% des parts du nouvel ensemble. L’aveu d’échec n’en reste pas moins cuisant.
Au-delà de la Chine, l’Asie n’est pas une terre de prédilection pour Uber. En Corée du Sud, la plateforme de VTC n’est guère en odeur de sainteté. En décembre 2014, elle et son PDG Travis Kalanick ont été inculpés localement pour exercice illégal de la profession de taxi. Les autorités offrent des récompenses à quiconque dénonce un chauffeur opérant pour Uber. L’entreprise américaine a tenté de régulariser sa situation mais début 2015, la Corée du Sud lui a opposé une fin de non-recevoir. Uber est toujours illégal là-bas.
A Taïwan, Uber a dû cesser d’elle-même son activité à cause des amendes infligées par les autorités qui lui reprochent de proposer des services de taxi sans les autorisations nécessaires. Les chauffeurs qui roulaient pour Uber encouraient des amendes d’environ 750.000 euros !
L’autre continent où Uber ne cesse de rencontrer des difficultés est bien sûr l’Europe. La Hongrie lui a réservé le traitement le plus hostile en déclarant la plateforme de VTC illégale. Les autorités hongroises ont même bloqué tout accès aux services d’Uber par Internet. L’entreprise a quitté le pays en 2016. En Bulgarie, Uber a opéré pendant un an avant de se voir interdire d’opérer au titre de la "concurrence déloyale" en septembre 2015.
Plus au Nord, Uber s’apprête à quitter le Danemark le 18 avril, conséquence d’une décision de justice rendue en novembre dernier et déclarant les services de l’entreprise de VTC illégaux. La législation danoise oblige les chauffeurs de VTC à se munir de compteurs, comme les taxis, ce qui s’oppose au principe de fonctionnement d’Uber.
Plus près de chez nous, l’Allemagne oppose une farouche résistance à Uber. Son service UberPop (conducteurs au volant de leur véhicule personnel) y a été interdit, comme en France, et la plateforme a quitté fin 2015 trois villes emblématiques : Hambourg, Francfort et Düsseldorf. La faute à un modèle inadapté : en Allemagne, les licences de taxis sont gratuites ou peuvent s’obtenir à moindre coût. Les chauffeurs n’ont donc aucune raison de se tourner vers Uber. La société américaine est encore présente à Munich et Berlin, mais dans la capitale allemande, le service est assuré par des taxis ayant signé un accord avec Uber.
Quand elle n’est pas contrainte de partir, Uber rencontre parfois des difficultés qui l’empêchent de développer pleinement ses activités. En Finlande, les chauffeurs Uber sont traqués et risquent des poursuites au pénal s’ils sont appréhendés. Ils risquent jusqu’à six mois de prison pour prestation illicite de services de taxi. Mais le gouvernement a renoncé à poursuivre directement la plateforme.
Au Royaume-Uni, en octobre 2016, un tribunal a condamné Uber à reconnaître ses chauffeurs comme des salariés. Ce qui implique de leur verser un salaire minimum et de garantir le droit aux congés payés. Des contraintes qui pèsent sur le modèle économique d’Uber. La plateforme a fait son retour en Espagne en mars 2016, deux ans après avoir suspendu ses services. Mais cette fois, elle ne peut plus faire appel qu’à des chauffeurs possédant une qualification professionnelle.
Enfin, moins d’un an après son arrivée en Argentine, l’application Uber a été interdite dans tout le pays par un juge, en janvier. Ses services sont toujours disponibles à Buenos Aires le temps que la procédure d’appel suive son cours mais la grogne des taxis continue de bloquer le développement de la société californienne.
Des pertes colossales. Ces déconvenues pèsent logiquement sur les finances d’Uber. En façade, la société de Travis Kalanick continue de croître avec un chiffre d’affaires estimé par Bloomberg (Uber ne publie aucun résultat) à 5,5 milliards de dollars en 2016 et une valorisation de 69 milliards. Mais Uber ne cesse de brûler de l’argent. L’an dernier, toujours selon Bloomberg, ses pertes pourraient s’élever à 3 milliards de dollars. Les échecs dans les pays cités plus haut en sont en partie responsables, avec la guerre des prix menée par la plateforme de VTC.
En France, la bataille se poursuit
La justice française a déjà interdit UberPop, en 2015, mais cela n’a pas calmé la colère des chauffeurs de taxi… et des chauffeurs Uber. En effet, ils sont nombreux à protester contre le traitement que leur réserve la plateforme. Entre la marge réservée à Uber et les prix des courses tirés vers le bas, beaucoup de chauffeurs peinent à se dégager un salaire correspondant aux heures de travail effectuées. Comme au Royaume-Uni, ils espèrent obtenir une requalification en tant que salarié d’Uber.
De son côté, le gouvernement travaille actuellement à la mise en place d’un "tarif minimum" pour les VTC. L’Urssaf a mené une perquisition le 29 mars dans les locaux d’Uber à Aubervilliers, après lui avoir réclamé en 2014 un redressement de cinq millions d’euros (invalidé en 2016 pour vice de forme), estimant que la plateforme doit payer des cotisations sociales.