C'est une preuve supplémentaire de l'importance et de l'influence de Netflix dans la vie de beaucoup de gens : depuis la diffusion fin octobre du Jeu de la Dame, une mini-série centrée sur le monde des échecs, ce jeu millénaire connaît un succès inédit. Au point que les plateaux à damier concurrencent les dernières consoles de jeux vidéo sur les listes de Noël. À trois semaines des fêtes, les magasins spécialisés et les grandes enseignes sont dévalisées et les fournisseurs de pièces peinent à suivre le rythme des commandes.
"Je n'avais jamais vu un tel engouement pour les échecs"
"Là, ce sont mes tiroirs où je stocke les jeux d'échecs. Vide, vide, vide… Là, il m'en reste quatre grands plateaux. Vide, vide… Acajou, terminé, palissandre, terminé…". Arthur Ménez n’en revient pas. Gérant de la boutique de jeux de société Rouge et Noir, dans le sixième arrondissement de Paris, il vend en ce moment dix fois plus de jeux d’échecs qu’en temps normal. À trois semaines de Noël, le magasin ne désemplit pas. "C'est une folie. Je ne vends plus que ça ! Le magasin existe depuis 1977. Je n'avais jamais vu un tel engouement pour un seul jeu comme ça, pareil pour ma mère qui tenait la boutique avant moi", raconte le gérant.
Pourtant, Arthur Ménez pensait être prêt pour Noël. "On en vend toujours un peu plus à cette période, un beau plateau c'est toujours un beau cadeau. J'avais déjà passé plus de commandes parce qu'il y avait déjà l'impact du premier confinement. Les gens s'étaient remis à jouer", assure le gérant du magasin Rouge et Noir. "Au début du deuxième confinement, j'ai lancé un nouveau site Internet. Je vendais un peu de tout. Mais depuis le 15 novembre, 90% de mes ventes c'est des jeux d'échecs. C'est forcément lié à la série de Netflix."
Le Jeu de la Dame bouscule l'image des échecs
La série en question, c’est donc Le Jeu de la Dame, véritable détonateur de cette ruée vers les échecs. Sortie fin octobre, c’est déjà la série la plus vue de l’histoire de Netflix avec 62 millions de visionnages ! L’histoire, qui narre en sept épisodes l’ascension de Beth Harmon, une jeune joueuse de génie, a dépoussiéré l’image des échecs. Les parties montrées à l'écran sont pointues, c'est le milieu des grands maîtres qui est dépeint. Un univers en apparence austère bousculé par Netflix qui impose des codes plus modernes : rythme soutenu, duels filmés comme des matches de boxe, etc.
"C'est dingue comme phénomène. On voit à quel point les séries nous touchent maintenant. C'est génial pour les échecs… et pour nous", se réjouit Arthur Ménez, lui-même joueur. "D'habitude, on a plutôt des connaisseurs qui viennent dans la boutique. Là, on a tous types de profils : des jeunes qui veulent découvrir les échecs, des retraités qui s'y remettent, des quarantenaires qui veulent de beaux plateaux…". Il y en a pour tous les budgets : de 40 euros pour un petit modèle avec des pièces faites à la machine, jusqu'à 200, 300, voire 400 euros pour de grands plateaux avec des pièces tournées à la main.
Ventes multipliées par cinq chez JouéClub
Alors que Noël approche à grands pas, Arthur Ménez s'efforce de contenter tous les clients qui franchissent la porte de sa boutique. Mais les stocks ne sont pas infinis. J'en avais commandé plusieurs douzaines avant la réouverture du magasin. En temps normal, ça aurait suffi pour le mois de décembre. Là, en une semaine, je suis déjà à sec", raconte-t-il. "J'ai appelé les fabricants de pièces d'échecs dans le Jura, chez Chavet, et ils sont débordés, ils n'ont plus rien non plus. Heureusement, j'ai des plateaux qui arrivent d'Allemagne et une grosse commande de pièces en bois de rose venue d'Inde."
Et cette passion renouvelée pour les échecs ne concerne pas uniquement les boutiques spécialisées. Même les grandes enseignes de jouets, où les plateaux ne sont pourtant pas les produits phares, constatent le même phénomène. Les ventes de jeux d'échecs ont été multipliées par cinq chez JouéClub et par six à La Grande Récré, par rapport à la même période l’an dernier.