Plus dure sera la chute. Après avoir suscité un énorme engouement ces derniers mois, les crypto-monnaies vivent actuellement un brutal retour sur terre. Alors qu’il tutoyait les 20.000 dollars (16.300 euros) mi-décembre, le bitcoin est redescendu mardi sous la barre symbolique des 10.000 dollars (8.150 euros) à la clôture. Une première depuis le 4 décembre dernier, juste avant l’envolée du cours. La faute aux spéculateurs qui retirent leurs billes en catastrophe, effrayés par les velléités de régulation de la Chine.
1.900% en un an. La volatilité du bitcoin n’est pas nouvelle. Elle est même caractéristique de son expansion, faite depuis 2009 de hauts et de bas. Mais jusqu’ici, l’ampleur des hausses effaçait les baisses ponctuelles. Une situation qui s’est inversée en fin d’année, plus précisément le 17 décembre, au lendemain d’une séance clôturée pour le bitcoin à plus de 19.500 dollars (16.000 euros). Apogée d’une année spectaculaire au cours de laquelle la monnaie numérique frappée d’un B a vu sa valeur grimper de… 1.900% !
Un engouement lancé par une poignée d’investisseurs puis qui s’est auto-alimenté, attirant des épargnants lambda qui se disent : "le bitcoin n’en finit plus de monter, il faut que je monte dans le train avant qu’il ne soit trop tard". Mais comme à chaque fois qu’un cours s’envole, le bitcoin s’est retrouvé au cœur de spéculations financières à grande échelle. "Ce ne sont pas les utilisateurs du bitcoin qui spéculent en ce moment, ce sont des fonds qui ont flairé le bon filon", expliquait Jacques Favier, spécialiste des crypto-monnaies, à Europe1.fr, en novembre.
Des alertes régulières. Quand le cours du bitcoin et des autres crypto-monnaies a atteint des records inimaginables il y a quelques mois, les signaux d’alarme se sont multipliés. Coup sur coup, l’Autorité européenne des marchés financiers, le patron de la banque JPMorgan Chase, le vice-président de la Commission européenne et des traders influents ont mis en garde contre les dangers des monnaies virtuelles, peu voire pas contrôlées.
Chute drastique. Depuis le 7 janvier, le cours du bitcoin ne cesse de chuter, passant en une semaine de 17.000 dollars l’unité à 10.000. Sur la seule journée de mercredi, il a perdu plus de 20% de sa valeur. Dans le sillage du bitcoin, toutes les crypto-monnaies sont dans une mauvaise passe. Mercredi, à la mi-journée, l'ethereum, le ripple et le bitcoin cash perdaient respectivement 23,53%, 27,86% et 21,71% sur 24 heures. "Les investisseurs spéculatifs quittent le navire", a observé Craig Erlam, analyste chez Oanda. "Cela ne veut pas dire que le bitcoin va s'effondrer, mais les signaux d'alertes de ces dernières semaines se sont confirmés", a poursuivi l'analyste, pour qui il faut désormais voir combien de temps les crypto-monnaies vont mettre à reprendre pied.
Le premier coup de semonce est venu de Corée du Sud. Mi-décembre, les autorités coréennes ont interdit aux institutions financières implantées dans le pays de réaliser des transactions en monnaie virtuelle, c'est-à-dire d'acheter, de vendre ou même de détenir une crypto-monnaie. Puis, début janvier, les autorités ont annoncé réfléchir à interdire carrément les plateformes d'échange de monnaies virtuelles. Or, la Corée du Sud est une place très importante pour le bitcoin : le pays compte pour environ 20% des transactions mondiales de cette monnaie virtuelle, soit dix fois son poids dans l'économie mondiale.
La Chine sonne la fin de la récré. Un premier coup dur mais le K.O. pourrait venir de Chine. Selon le journal d’État chinois Securities Times, afin de limiter les risques pour le secteur financier, les autorités envisagent de renforcer le contrôle des crypto-monnaies dans le pays. Dans leur collimateur : les sites Internet chinois spécialisés dans les échanges en crypto-monnaies, les transactions directes de particulier à particulier, et les entreprises locales utilisant des plateformes à l'étranger.
En septembre dernier, les plateformes d'échanges chinoises ont déjà dû cesser leurs opérations et les levées de fonds en nouvelles crypto-monnaies (ICO) ont aussi été interdites dans le pays. Mais d'autres canaux pour échanger des crypto-monnaies ont essaimé en Chine, notamment via des groupes de discussion constitués sur les omniprésents réseaux sociaux chinois (WeChat, QQ) ou russe (Telegram). Les autorités envisagent ces prochains mois une surveillance accrue de ces plateformes. Ces dernières permettent jusqu'à présent de volumineux échanges de particulier à particulier.
Le "minage" dans le viseur. Or, les analystes estiment que la Chine est un paradis pour le "minage" du bitcoin. Ce procédé qui consiste à faire tourner des ordinateurs qui résolvent des équations afin de créer de la crypto-monnaie est la base de l’expansion des monnaies virtuelles dans le monde. Environ 70% du volume de "minage" de bitcoin actuel se fait en Chine. D’où la panique sur les marchés à l’annonce de la volonté des autorités chinoises de limiter ce procédé très gourmand en énergie.
Un véritable coup de bambou qui affole les investisseurs, bien que la régulation ne soit pas encore effective. Déjà, les analystes de la banque américaine Citi envisagent que le mouvement de baisse en cours pourrait faire perdre à nouveau la moitié de sa valeur au bitcoin, ajoutant qu'un repli autour de 5.600 dollars leur semblait "très probable à très brève échéance".