La situation est "préoccupante", voire "sérieuse" : la Cour des comptes étrille le gouvernement pour sa gestion des finances publiques dans le rapport annuel qu'elle publiera mardi, lui reprochant un scénario initial "improbable" pour 2024 et une trajectoire "peu ambitieuse et fragile" sur le déficit public. Sur plus de 700 pages, largement consacrées à l'adaptation au changement climatique, une quarantaine dresse comme chaque année un état des lieux global des finances publiques. "Pour moi, la situation est sérieuse", "au-delà" de juste "préoccupante", un résumé devant la presse Pierre Moscovici, premier président de la juridiction financière.
La trajectoire présentée par le gouvernement dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 "conjugue trois faiblesses", estime la Cour : "un scénario macroéconomique trop optimiste dès 2024", un "retour tardif" du déficit public sous les 3% du PIB en 2027 et "des efforts de maîtrise des dépenses inédites mais non documentées et renvoyées à la période 2025-2027".
"Le respect de l'objectif de déficit" public à 4,4% du PIB pour 2024 "n'est pas acquis", a averti M. Moscovici, même avec les récentes coupes de dix milliards d'euros dans le budget de l'année. 'État, prises en compte dans ce rapport qui donne une photographie à fin février 2024. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire les avait annoncé mi-février, en même temps qu'il avait abaissé la prévision de croissance française pour 2024 à 1%, contre 1,4% initialement retenue lorsque le budget avait été bâti - un scénario macroéconomique dont la Cour considère qu'il était dès le départ "improbable".
Ces annulations de crédits étaient "impératives" mais risquent de ne pas être "suffisantes pour maintenir la trajectoire du déficit", a estimé M. Moscovici. "La trajectoire fixée par le gouvernement est peu ambitieuse et très fragile", dit-il aussi dans une interview aux Echos publiée lundi soir.
Trajectoire de déficit "fragile"
Or, tout retard pris cette année "risque de fragiliser, voire de rendre caduque la trajectoire" de retour du déficit sous les 3% de déficit en 2027, note le rapport, qui ne prend pas en compte la révision à la hausse dernier mercredi du déficit public 2023, le gouvernement l'estimant désormais "significativement" au-dessus de l'objectif de 4,9% du PIB. Pour le moment, Bercy n'a pas revu ses objectifs de déficit à court ou à long terme. Mais avec le retard accumulé en 2023, "l'écart à résorber est encore plus grand", prévient le président de la Cour des comptes.
La trajectoire d'ici 2027, entérinant 17,2 milliards d'euros de déficit de la Sécurité sociale et jugée "peu ambitieuse" et "fragile", selon l'institution, "ne comprend aucune marge de manœuvre en cas de scénario moins favorable ", s'alarme le rapport, jugeant les prévisions gouvernementales de croissance et de plein emploi encore optimistes. M. Moscovici a salué l'annonce mercredi de 20 milliards d'euros d'économies pour l'ensemble des finances publiques en 2025, tout en soulignant qu'elles ne sont, comme pour le reste des 50 milliards d'euros d'économies. nécessaires d'ici 2027, "à ce stade pas documentées, ni étayées".
Selon la Cour des comptes, elles seront "d'autant plus difficiles" à réaliser que "la hausse des charges d'intérêts et de nombreuses lois de programmation sectorielle (Défense, Justice, Intérieur, Recherche) orientent déjà la dépense publique à la hausse". ", outre les futures dépenses sur la transition écologique.
Podium de l'endettement
La Cour des comptes estime ainsi que les finances publiques "resteront en 2024 parmi les plus dégradées de la zone euro", risquant d'exposer la France "à des discussions difficiles avec la Commission et ses partenaires européens", y compris dans le cadre des nouvelles règles en cours de discussion. Avec une dette publique prévue à 109,7% du PIB en 2024 et 108,1% en 2027, "on est solidement installé sur le podium des trois pays les plus endettés de la zone euro", regrette M. Moscovici. Les deux autres pays sur ce podium fin 2023 sont la Grèce et l'Italie, selon Eurostat.
Sa juridiction préconise donc la "sélectivité dans les dépenses et de compenser tout surcroît de dépense ou baisse d'impôt par des économies ou des hausses de recettes", et de se préparer à "des réformes ambitieuses". "Il y a des efforts considérables à faire", affirme M. Moscovici, le prochain projet de loi de finances (PLF) sera "le plus difficile à réaliser depuis la crise financière", exigeant "courage et volonté politique".