Aux grands maux, les grands remèdes. La mairie de Paris a adressé lundi une mise en demeure à cinq plateformes de location de logements pour des annonces illégales. Airbnb, Homeaway, Paris Attitude, Sejourning et Windu ont été épinglées pour quelque 1.400 irrégularités, dont 1.000 environ sur le leader du marché, Airbnb. Avec cette mise en demeure, la ville de Paris se réserve le droit de déclencher des poursuites judiciaires et de porter plainte devant le tribunal de grande instance.
Ce qu'elle reproche exactement à ces plateformes, c'est de laisser en ligne des annonces qui ne respectent pas la législation. De fait, si au moment du lancement d'Airbnb, en 2008, la France a mis du temps à réagir face à ce nouveau mode de location, elle s'attache depuis plus de deux ans à tout mettre en œuvre pour mieux encadrer législativement ce type de sites. Objectif : éviter une "ubérisation" du marché immobilier, c'est-à-dire à la fois une concurrence déloyale auprès des hôteliers traditionnels et la fuite potentielle de logements du parc locatif, qui sont loués pour de courtes durées plutôt que de façon pérenne.
L'enregistrement pour vérifier la durée des locations. La mise en demeure du lundi 11 décembre correspond à une nouvelle mesure, entrée en vigueur en octobre et devenue obligatoire le 1er décembre dernier à Paris. Depuis cette date, toute personne désirant louer son logement en meublé touristique dans la capitale doit détenir un numéro d'enregistrement, délivré par la mairie. Ce numéro d'enregistrement doit figurer sur l'annonce, et les plateformes comme Airbnb sont tenues de désactiver celles qui n'en affichent pas.
Grâce à ces enregistrements, qui ont été rendus possibles par une loi de 2016, les communes de plus de 200.000 habitants pourront suivre la durée des locations. Et vérifier ainsi qu'elles n'excèdent pas 120 jours par an, seuil maximal fixé par un texte antérieur à l'arrivée d'Airbnb en France. Paris n'est pas la seule ville à avoir adopté le décret permettant de rendre l'enregistrement obligatoire : Nice s'y est également essayée.
La limite des 120 jours. Ce seuil de 120 jours s'applique aux locataires comme aux propriétaires. Les premiers n'ont pas le droit de le dépasser, et ne peuvent l'atteindre qu'avec l'accord du propriétaire. Quant aux propriétaires, s'ils louent leur logement plus de 120 jours par an, alors celui-ci est considéré comme une résidence secondaire, et non principale. Ils doivent alors faire une demande d'autorisation afférente. Et enfin, à Paris, une seconde contrainte s'ajoute à la première : les propriétaires doivent compenser ce passage en résidence secondaire en proposant un autre logement équivalent à la location, dans le même arrondissement.
Cette limite des 120 jours a beaucoup été utilisée par la mairie de Paris pour encadrer les plateformes de type Airbnb. La ville avait ainsi convaincu le site d'envoyer un mail aux clients approchant les 120 jours de location, afin de leur rappeler les sanctions auxquelles ils s'exposaient. Airbnb joue d'elle-même les bons élèves sur la question : à partir du 1er janvier 2018, la plateforme plafonnera automatiquement les locations à 120 jours dans les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements de Paris.
La (sur)taxe de séjour. Autre dispositif déployé pour éviter la concurrence déloyale entre Airbnb et l'hôtellerie traditionnelle : la taxe de séjour. Depuis le projet de loi de finances 2015 –voté fin 2014-, cette taxe de séjour peut être collectée directement par la plateforme de location. Cela a largement contribué à faciliter la tâche des communes, qui auparavant devaient se livrer à un fastidieux travail de vérification site par site pour récupérer leur dû. Pour l'instant, ce système est en vigueur dans une vingtaine de communes, dont Paris, Chamonix, Strasbourg, Toulouse, Lyon ou Marseille.
Vendredi dernier, l'Assemblée a durci encore l'encadrement des plateformes de location en votant deux amendements dans le projet de loi de finances rectificative 2017. Non seulement les députés ont autorisé les collectivités à alourdir la taxe de séjour sur les hébergements "non classés" –typiquement ceux loués sur Airbnb-, mais ils ont également généralisé, à compter du 1er janvier 2019, la collecte de la taxe de séjour directement par les plateformes.
De nouvelles pistes à l'étude. Collectivités locales et parlementaires ne s'arrêteront probablement pas là pour encadrer Airbnb. Des pistes sont d'ores et déjà à l'étude. Lors de l'examen des amendements du projet de loi de finances rectificative, plusieurs députés ont regretté que le texte n'aille pas assez loin pour contraindre les plateformes de location. Les sanctions en cas de non-respect des règles pourraient notamment être durcies.
De son côté, la mairie de Paris travaille sur la limite des 120 jours par an, jugée trop généreuse par certains. La Ville ne cache pas sa volonté d'abaisser ce seuil dans les prochains mois.
Et à l'étranger ?
La France n'est pas le seul pays à durcir sa règlementation à l'égard des plateformes comme Airbnb. À Barcelone aussi, un système de licence municipale existe pour contrôler la légalité des annonces. Mais il n'a pas, pendant longtemps, pas été respecté. Un bras de fer a opposé la municipalité au site pendant de longs mois, au point que la mairie menaçait le groupe de lui faire payer 600.000 euros pour des annonces illégales, émanant de multipropriétaires qui rachetaient des immeubles entiers pour les mettre en location. Finalement, Airbnb a accepté en juillet dernier de retirer "rapidement" ces annonces.
À Berlin, la loi est plus stricte encore. Depuis le 1er mai 2016, les utilisateurs d'Airbnb n'ont plus le droit de louer leur habitation entière pour des séjours de courte durée. Ils ne peuvent proposer qu'une pièce de leur appartement ou de leur maison. Et ce, afin que les logements ne sortent pas du parc locatif classique. Les propriétaires qui ne respecteraient pas cette loi encourent jusqu'à 100.000 euros d'amende.