Taxe de séjour : Airbnb condamnée en appel à payer 8,6 millions d'euros à l'île d'Oléron

Airbnb a été condamnée à verser plus de 8,6 millions d’euros à la communauté de communes de l’île d’Oléron pour des manquements à la taxe de séjour en 2021 et 2022. La cour d’appel de Poitiers a alourdi les sanctions. La plateforme dit “étudier les recours possibles”.
Pour l'île d'Oléron, c'est une "victoire historique" : la plateforme Airbnb a été condamnée mardi en appel à lui payer plus de 8,6 millions d'euros d'amendes alourdies pour ses "manquements graves" à la collecte de la taxe de séjour en 2021 et 2022.
"Une petite île de l'Atlantique fait plier le géant américain du tourisme numérique"
"L'histoire retiendra qu'une petite île de l'Atlantique a fait plier le géant américain du tourisme numérique", s'est félicité le président de la communauté de communes oléronaise (CDCO), Michel Parent. "Une seconde victoire historique", selon lui, qui "couronne plus de cinq ans de démarches, d'abord amiables, puis judiciaires, auprès de la société Airbnb qui ne daignait même pas nous répondre lors de nos premières tentatives".
La branche européenne d'Airbnb, basée en Irlande, avait déjà été condamnée en première instance par le tribunal judiciaire de La Rochelle, à 30.000 euros d'amende en juin 2023 pour l'année 2021, puis 1,3 million en avril 2024 au titre de 2022.
La société avait fait appel mais dans ses deux arrêts rendus mardi, la cour de Poitiers a considérablement alourdi la sanction : 5,1 millions d'euros pour 2021 et 3,5 millions pour 2022.
Des amendes "disproportionnées" selon Airbnb
Airbnb envisage un nouveau recours, jugeant ces amendes "disproportionnées". Leur montant est "plus de 25 fois" supérieur à celui de la taxe de séjour non collectée, pointe la plateforme qui plaide la "bonne foi". "Nous avons résolu le problème identifié à Oléron lorsque nous en avons été informés et tous les montants non-versés ont déjà été payés à la communauté de communes, avec intérêts de retard, et ce avant que la collectivité n'intente cette action en justice", déclare Airbnb.
Les amendes prononcées correspondent en effet non pas aux arriérés de taxe de séjour, mais à l'amende légale en cas de manquement initial à son versement, multipliée par le nombre de nuitées concernées (5.066 pour 2021 et 2.344 pour 2022). Le montant nominal de cette amende varie de 750 à 2.500 euros mais en première instance, le tribunal avait pris des sanctions inférieures au plancher légal.
La cour d'appel a relevé le niveau des sanctions, jugeant les faits reprochés à Airbnb "d'autant plus graves que le recouvrement de la taxe de séjour représente une part non négligeable du budget de la collectivité pour financer les dépenses liées à l'afflux de touristes sur la période estivale". Elle a ainsi retenu 1.500 euros demande par manquement pour 2022 et 1.000 euros pour 2021.
Une "sous-collecte majeure" pointée du doigt par la cour d'appel
"Cette décision judiciaire démontre qu'aucun géant n'est au-dessus de la loi", a salué Jonathan Bellaiche, avocat de la CDCO. "Nous n'avons rien lâché et nous ne lâcherons rien pour que la loi soit respectée." "Il est de la responsabilité d'une plateforme comme Airbnb d'être irréprochable concernant le respect de la réglementation, surtout lorsqu'il s'agit du paiement d'une taxe", a-t-il ajouté. "Airbnb prend ses obligations fiscales très au sérieux et collecte la taxe de séjour dans près de 25.000 villes en France", répond la plateforme.
Pour la cour d'appel, l'insuffisance de la collecte de la taxe de séjour pour 2021 et 2022 a résulté "d'une erreur consistant à retenir la date de la réservation au lieu de la période du séjour", qui a engendré une "sous-collecte majeure". Or, cette "professionnelle" de la réservation de séjours en ligne "ne pouvait ignorer" qu'en matière de taxe, "c'est la date du séjour effectif et non celle de sa réservation qui est déterminante", écrivent les juges, pour qui Airbnb "a été particulièrement négligente en laissant perdurer l'erreur de paramétrage alléguée".
En outre, si la plateforme "se prévaut de sa totale bonne foi et de sa coopération avec les collectivités territoriales, force est de constater que la CDCO a été mise dans l'obligation, après mise en demeure restée infructueuse, d'assigner la société en référé pour obtenir communication des fichiers de réservation", ajoutent-ils, en relevant qu'Airbnb "ne s'explique nullement sur la résistance qu'elle a opposée" à cette demande.
La collectivité oléronaise a également engagé des procédures contre la plateforme Booking et le site internet Le Bon Coin. Et espère que le "symbole fort" de son combat contre Airbnb sera "un exemple pour d'autres".