Les opposants à la loi Travail défendue par Myriam El Khomri ont battu le pavé mardi. L’intersyndicale à l’origine de cette neuvième journée de manifestation annonçait une mobilisation "énorme", mais ce sont surtout les débordements qui ont éclaté dès le début du cortège qui ont marqué les esprits.
Les principales informations à retenir :
- Les opposants à la loi Travail ont manifesté mardi à Paris et dans une cinquantaine d'autres villes.
- La manifestation à Paris a rassemblé entre 75.000 et un million de participants. Au niveau national, la participation varie entre 125.000 et 1,3 million de manifestants.
- La situation a rapidement dégénéré : au moins 73 personnes ont été interpellées et 40 ont été blessées. Les dégradations sont importantes.
Un défilé parisien sous tension. CGT, FSU, FO, Solidaires, Unef, UNL, Fidl : pour la première fois en trois mois de contestation, les opposants au projet de loi travail ont convergé mardi vers Paris pour une journée de "mobilisation nationale". Le cortège parisien accueillait en outre des délégations de syndicats belge, espagnols, italien et suisse.
La foule, dense, a pris le départ de la place d'Italie pour rejoindre les Invalides, derrière une pancarte de tête proclamant "Pour le retrait. Pour de nouveaux droits". En tête du cortège, des drapeaux CGT et Sud omniprésents. Devant le cortège aussi, des milliers des jeunes défilaient, certains casqués, encagoulés, masqués, criant "Paris, debout soulève toi". En face se tenaient des centaines de CRS, visières descendues, munis de boucliers. La situation a rapidement dégénéré.
Une manifestation émaillée de violences. La présence de personnes cagoulées faisait craindre aux forces de l'ordre de nouveaux débordements. De premiers échauffourées ont d'ailleurs rapidement éclaté, des manifestants jetant des projectiles en direction des CRS, qui ont répliqué avec du gaz lacrymogène. Ces violences ont perturbé le cortège resté pratiquement à l'arrêt entre 15 heures et 16 heures, avant d'arriver place des Invalides vers 17 heures.
Les forces de l'ordre ont procédé, selon l'AFP, à au moins 73 interpellations, dont celle de l'homme figurant sur la photographie ci-dessous. Les policiers ont également utilisé un canon à eau et multiplié les charges. C'est probablement la manifestation la plus violente depuis le début de la contestation contre la loi Travail.
Au moins onze manifestants et vingt-neuf membres des forces de l'ordre ont été blessés, a annoncé à 18h30 la préfecture de police de Paris. Un manifestant s'est également retrouvé inconscient au sol pour des raisons encore inconnues (photo ci-dessous) dès le début de la manifestation.
Un fourgon de la police et le local d'une compagnie d'assurance ont par ailleurs été la cible de cocktails Molotov, tandis que la vitrine d'un serrurier a été pulvérisée. Dans le secteur de Port-Royal, des "individus sont entrés sur un chantier pour prendre des palettes avant de les jeter sur les forces de l'ordre", qui ont dû intervenir, a affirmé la préfecture de police de Paris. Près de la station Duroc, les fenêtres du ministère des Outre-Mer ont été brisées, de très nombreux slogans tagués sur les murs, et le ministère rebaptisé "ministère des Colonies". La façade de l'hôpital Necker a également été détériorée, comme l'a souligné sur Twitter l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris :
#Manif14Juin Inadmissible attaque contre l’hôpital public @hopital_necker. 15 baies vitrées cassées. L'#APHP porte plainte.
— AP-HP (@APHP) 14 juin 2016
La préfecture de police de Paris avait d'ailleurs publié sur Twitter dès le début de la manifestation un message invitant les manifestants à la prudence et à la responsabilité :
#Manifestation Désolidarisez vous des casseurs masqués/cagoulés pour faciliter l'intervention des forces de l'ordre pic.twitter.com/CvP3EVg12h
— Préfecture de police (@prefpolice) June 14, 2016
Quid de la mobilisation ? La CGT prédisait une participation "énorme" et le cortège fut en effet fourni. Les syndicats FO et Solidaires ont annoncé un million de manifestants mais la préfecture de police de Paris a annoncé de son côté entre 75.000 et 80.000 participants. La tournure qu'a pris la manifestation a probablement compliqué tout décompte plus précis. A titre de comparaison, la plus importante manifestation parisienne contre la loi Travail avait rassemblé environ 28.000 personnes selon la préfecture de police : les syndicats vont donc pouvoir invoquer une mobilisation en hausse.
A Lyon, les manifestants étaient entre 3.800 et 10.000 selon les sources. Ils étaient entre 1.900 et 5.000 à Rennes, entre 6.000 et 30.000 à Toulouse, entre 5.000 et 140.000 à Marseille.
Sur l'ensemble de la France, les autorités annoncent 125.000 manifestants tandis que la CGT revendique 1,3 million de participants, c'est-à-dire plus que le précédent pic revendiqué : 1,2 million de personnes le 31 mars.
Mais un mouvement de grève moins suivi. Si les syndicats opposés à la loi Travail ont décidé de marquer le coup mardi, cette journée n'est paradoxalement pas la plus compliquée en termes de trafic. A la SNCF, notamment, les perturbations sont très limitées. La CGT-cheminots pourrait par ailleurs se décider à signer mardi soir l'accord négocié la semaine dernière et déjà paraphé par la CFDT et l'Unsa. Des perturbations étaient en revanche redoutées dans le secteur de l'énergie et dans le secteur de la santé.
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Où en sont les négociations sur le projet de loi ?
Malgré cette nouvelle journée d’action, syndicats et gouvernement mutiplient les appels à renouer le dialogue. Myriam El Khomri s'est redite prête lundi à recevoir Philippe Martinez "dans la minute". "Je suis disponible (…) Elle connaît mon numéro de portable", a rétorqué l'intéressé mardi. Si la CGT et le gouvernement ont prévu de se reparler, les opposants à la loi Travail maintiennent néanmoins la pression : deux autres journées de grèves et manifestations partout en France sont déjà planifiées par l'intersyndicale les 23 et 28 juin.
Sur le plan politique, le Sénat a entamé lundi après-midi l'examen du projet de loi. Les sénateurs ont jusqu’au 24 juin pour retoucher le texte et la majorité de droite a déjà annoncé la couleur : elle compte donner un coup de barre libéral au projet de loi. Mais le gouvernement a déjà promis de détricoter cette future version pour revenir à la version adoptée à l’Assemblée nationale.