C’est une révolution dans l’accès aux soins : le reste à charge zéro, promesse de campagne d’Emmanuel Macron, se précise. Le chef de l’État a présenté mercredi sa vision de cette réforme qui, en théorie, permettra aux 95% de Français couverts par une complémentaire santé d'accéder à des prothèses dentaires ou auditives et à des lunettes intégralement remboursées à partir de 2020 (2021 pour l’ensemble des audioprothèses concernées). Europe 1 vous explique comment ce reste à charge zéro va se mettre en place.
Comment fonctionne le reste à charge zéro ?
Quand vous aller chez le médecin, chez un spécialiste, que vous achetez des médicaments et plus globalement que vous avez recours au système de santé, il y a des frais à engager. Le reste à charge est la part qui n’est couverte ni par la Sécu ni par la mutuelle que vous avez, ou non, souscrite. Dans la plupart des secteurs, ce reste à charge est limité afin de garantir un accès aux soins au plus grand nombre. Mais ce n’est pas le cas pour les lunettes, les audioprothèses et le dentaire, trois domaines dans lesquels les professionnels peuvent fixer librement les prix. Résultat, le montant à avancer est souvent très supérieur à celui remboursé par la Sécu et la mutuelle.
Cet écart trop important empêche les Français qui ont besoin de s’équiper d’audioprothèses, de renouveler régulièrement leurs lunettes ou encore de mieux soigner leurs dents. C’est en partant de ce constat que le candidat Macron a fait du reste à charge à zéro pour ces trois secteurs une promesse de campagne. Concrètement, la réforme engagée par le chef de l’État devrait permettre de réduire drastiquement le coût de ces soins, puisqu’en théorie, il ne restera rien à payer au patient.
Quels sont les produits et soins concernés ?
- Optique
Le reste à charge zéro pour les lunettes est soumis à plusieurs conditions. D’abord, toutes les montures ne seront pas concernées. Au total, chaque magasin proposera 24 modèles éligibles au reste à charge zéro (dont sept pour enfants), dans différents coloris. Ces lunettes pourront être renouvelées tous les ans jusqu’à 15 ans, puis tous les deux ans, exception faite pour les personnes atteintes de maladies graves de la vision qui pourront renouveler aussi souvent que nécessaire.
Concernant les verres, le reste à charge zéro n’est pas applicable mais les tarifs vont être réduits. Une grille de 24 prix plafonds (12 pour les verres simples et 12 pour les progressifs) permettra de s’y retrouver en magasin. "Le zéro reste à charge va permettre aux gens de porter des lunettes correctes avec des verres sophistiqués qui sont aujourd’hui vendus sans options, sans avoir à débourser quoi que ce soit s'ils ont une mutuelle correcte", assure Alain Afflelou au micro d'Europe 1.
- Audioprothèses
C’est pour l’audition que le reste à charge zéro va faire réaliser d’importantes économies aux Français. Actuellement, l’assurance maladie ne rembourse que 119 euros par appareil (donc par oreille), auxquels s’ajoutent les 350 euros payés en moyenne par les mutuelles. Soit moins de 500 euros remboursés sur des prothèses dont le prix excède souvent 1.500 euros, pour une seule oreille. La réforme instaure un reste à charge zéro pour les prothèses dont le prix ne dépasse pas 950 euros.
Si les appareils offrant une qualité d’écoute et un confort supérieur ne sont donc pas concernés, le gouvernement assure que les malentendants y trouveront leur compte avec des prothèses de qualité. "Pour les prothèses auditives, le remboursement peut aller jusqu'à 800 euros, c'est énorme. Beaucoup de gens hésitaient à s'équiper à cause de la charge financière, donc le zéro reste à charge va changer pas mal de choses", souligne Alain Afflelou.
- Soins dentaires
Concernant les prothèses dentaires (couronnes, pivots, brides, appareils dentaires), l’État et les professionnels ont déterminé trois catégories. 45% des prothèses seront remboursées à 100%, notamment les couronnes en métal (ou les dents non visibles) ou en céramique (pour les dents visibles). 25% des prothèses auront des prix plafonnés permettant une prise en charge partielle (couronnes en céramique pour les incisives, canines et prémolaires, pivots et bridges). Enfin, les 30% de prothèses restantes ne sont pas concernées par les changements, leur prix sera toujours librement fixé par les dentistes.
Qui va payer ?
Rien n’est jamais gratuit dans la vie. Si ce n’est pas le malade qui paye, quelqu’un d’autre met la main à la poche pour lui. En l’occurrence, tous les professionnels de la santé vont contribuer au financement du reste à charge zéro. Les premiers concernés sont les dentistes qui, en échange d'une revalorisation du tarif des caries, acceptent de plafonner le prix des prothèses, alors que, jusqu'à présent, c'est sur les prothèses qu'ils se rémunéraient en grande partie. De leur côté, les opticiens vont devoir baisser fortement leurs marges, et les fabricants d'appareils auditifs sont sommés de réduire leurs tarifs.
Il y a aussi un effort attendu du côté de la Sécurité sociale et surtout des mutuelles qui vont mettre en place le remboursement à 100% des frais d’optique, d’audioprothèse et de dentaire. Tous les acteurs du secteur de la santé ont négocié avec le gouvernement pour encadrer les sommes à engager et arriver à l’équivalent de 4,4 milliards d’euros de dépenses de santé par an. "L'effort est bien équilibré entre les fabricants, l'État et les distributeurs", juge Alain Afflelou.
Les cotisations vont-elles augmenter ?
Depuis l’annonce de la réforme, de nombreuses voix s’élèvent pour dire que la réforme du reste à charge zéro pèsera quand même sur les Français. La baisse des prix va se répercuter sur "le commun des mortels qui va, via sa mutuelle, augmenter sa cotisation et participer au remboursement", prévient ainsi le fondateur du groupe Afflelou. Pour l’instant, il ne s’agit que d’une hypothèse car le gouvernement ne souhaite pas voir les cotisations des particuliers augmenter.
Il mise plutôt sur le fait que les efforts des professionnels, de la Sécu et des mutuelles suffiront et que le système va s’équilibrer de lui-même (pour financer la réforme, les complémentaires ont obtenu des baisses de remboursements sur les contrats proposés par les employeurs). Reste que si la réforme porte ses fruits, de nombreux patients qui renonçaient jusqu'à présent à se faire soigner à cause du coût vont franchir le pas. Et ainsi alourdir la facture.