Le second tour de l’élection présidentielle offre une affiche entre deux candidats diamétralement opposés, deux visions de la France et de l’avenir. Les programmes d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont beau ne pas avoir grand-chose en commun, ils n’échappent pas à une même contrainte : le financement. Sans surprise, les deux finalistes de l’élection assurent que leurs projets sont financièrement réalistes. Plusieurs think tank, comme l’institut de l’entreprise, proposent des chiffrages alternatifs en évaluant le coût de certaines mesures. Pour avoir une vue d’ensemble, il faut se tourner vers les prévisions de l’Institut Montaigne.
Emmanuel Macron : déséquilibre malgré les économies
L’ancien ministre de l’Économie sera "dépensier mais pas trop". Selon l’institut, les nouvelles dépenses qu’il compte engager se chiffrent atteindront 16 milliards d'euros par an à l’horizon 2022. Ces dépenses concernent de nombreux secteurs : 4,8 milliards pour l’ouverture de l’assurance chômage aux démissionnaires, aux indépendants et aux auto-entrepreneurs, 3,5 milliards pour le budget de la Défense, un milliard pour la revalorisation de 100 euros de l’allocation adulte handicapé, 500 millions pour la création de 15.000 places de prison, etc. Il faut cependant ajouter un plan d'investissements publics de 50 milliards sur l'ensemble du quinquennat destiné à la transition énergétique, la formation professionnelle, l'agriculture... Selon l'institut, il faut compter entre 4 et 12 milliards par an pour financer ce plan.
A ces dépenses s’ajoutent des baisses de recettes liées à la libération de l’économie souhaitée par Emmanuel Macron. La baisse de l’impôt sur les sociétés de 33 à 25% rognera le budget de l’État de 11 milliards d’euros, l’exonération de taxe d’habitation pour 80% des ménages coûtera 8 milliards, l’exonération de cotisations sociales pour les heures supplémentaires impliquera un manque à gagner de 3 à 4 milliards… Au total : 23 milliards d’euros en moins dans les caisses de l’État.
Pour financer son programme, Emmanuel Macron prévoit une hausse progressive de la fiscalité écologique en alignant le diesel sur l’essence. Cela rapportera 4,8 milliards d’euros par an à l’État. Surtout, le candidat d’En Marche! mise sur 60 milliards d’économies. Selon l’Institut Montaigne, les mesures qu’il propose s’élèvent plutôt à 35,5 milliards d’euros. La hausse de l’objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) permettra d’économiser à elle seule 17 milliards.
Conclusion : en 2022, si toutes les réformes promises ont été mises en place, le programme d’Emmanuel Macron engendrera environ 47 milliards d’euros de dépenses et de baisses de recettes annuelles, non couvertes par 40,3 milliards de recettes et économies. Soit un solde négatif de 6,7 milliards par an, selon l’Institut Montaigne. Notons toutefois que le plan d'investissement doit donner lieu à des retombées économiques positives mais impossible à chiffrer dès à présent.
Marine Le Pen : dépenser sans compter
La candidate du Front national assume, pour sa part, une augmentation conséquente des dépenses publiques. Pour les ménages, Marine Le Pen propose une "prime de pouvoir d’achat" de 80 euros par mois pour les Français gagnant moins de 1.500 euros. Cela coûtera 14,8 milliards d’euros, selon les estimations de l’Institut Montaigne. Abaisser l’âge de la retraite à 60 ans (contre 62 actuellement) demandera une rallonge de 27 milliards par an. Quant à l’augmentation du budget de la Défense à 3% du PIB, elle implique des dépenses annuelles de 34,5 milliards d’euros. En ajoutant une douzaine de propositions, on aboutit à un total de 102 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en fin de quinquennat.
A ces dépenses, il faut ajouter la baisse des recettes évaluée à 18 milliards. Parmi les plus conséquentes, on note la réduction de 10% de l’impôt sur le revenu pour les trois premières tranches (6,5 milliards), la défiscalisation des heures supplémentaires (4,5 milliards) ou encore la réduction du taux d’imposition des PME à 24% (2,8 milliards). Marine Le Pen propose aussi de baisser les impôts locaux mais sans en préciser l’ampleur.
En parallèle, la candidate du Front national ne prévoit que peu d’économies : environ 1,6 milliard d’euros par an, selon l’Institut Montaigne, provenant de la suppression de l’aide médicale d’État et du développement de la vente des médicaments à l’unité, avec un plus grand recours aux génériques. En sus, Marine Le Pen entend taxer les importations à hauteur de 3%, ce qui rapportera 20 milliards d’euros à la France.
Conclusion : en 2022, si toutes les réformes promises ont été mises en place, le programme de Marine Le Pen engendrera 120 milliards d’euros de dépenses et de baisses de recettes annuelles, non-couvertes par 21,6 milliards de recettes et économies. Soit un solde négatif de 98,4 milliards par an, selon l’Institut Montaigne. Sauf que ce chiffrage ne prend pas en compte la sortie de l’euro et de l’Union européenne. La candidate frontiste fonde l’ensemble de son programme sur cette hypothèse, y compris son financement (mais sans chiffrage précis). Selon elle, la France connaîtra un nouvel essor une fois libérée des contraintes de Bruxelles. A contrario, l’Institut Montaigne estime que la sortie de l’euro et de l’UE pourrait coûter jusqu’à 190 milliards d’euros à long terme.
Un autre chiffrage
L’Institut Montaigne n’est pas le seul à chiffrer les programmes des candidats. La Fondation Concorde, think tank proche de la droite modérée, a publié ses prévisions avec des conclusions assez négatives. Selon ses experts, il manque 52,5 milliards d’euros à Emmanuel Macron pour financer son programme, la faute à un trop grand nombre de réformes et de coups de pouce en faveur des ménages (41 milliards d’euros leur seraient destinés). Quant à Marine Le Pen, selon cet institut, son programme engendrerait 213 milliards d’euros de dépenses à l’horizon 2022 pour seulement 54 milliards de nouvelles recettes, sortie de l’UE incluse.