L’année commence mal pour l’économie chinoise, malmenée par le ralentissement de la croissance mondiale et la persistance des doutes sur la fiabilité des statistiques officielles. Et comme si cela ne suffisait pas, les bourses chinoises ont été fermées à deux reprises, lundi et jeudi, après des débuts de krach boursier. Des mouvements de panique qui ont obligé les autorités chinoises à utiliser pour la première fois un outil méconnu du grand public : le coupe-circuit boursier. Une réponse radicale qui a néanmoins des limites et va être suspendue.
La Chine secouée par deux mini-krachs en quatre jours. Activité déjà risquée, le fait de boursicoter est devenu très dangereux en Chine ces derniers jours. Lundi puis jeudi, les marchés chinois ont été fermés précipitamment après des débuts de krach boursier. Lundi, après trois heures de cotation, les Bourses de Shanghai et Shenzhen étaient suspendues après une chute de 5,05% du principal indice chinois, le CSI300 qui correspond au CAC40 français. A peine rouvert, cet indice poursuivait sa chute jusqu’à 7%, obligeant les autorités à fermer les marchés.
Rebelote jeudi : à peine ouvertes, les bourses chinoises s'effondraient et étaient suspendue. A leur rouverture, la Bourse de Shangai décrochait de 7,32% et celle de Shenzhen de 8,35%. Dans la foulée, les autorités interdisaient tout échange pour le reste de la journée. Ce n’est pas la première fois que les marchés chinois deviennent fébriles : l’an dernier, le pays avait avait déjà connu des accès de fièvre à deux reprises. Sauf que cette fois-ci, l’Empire du Milieu était censé disposer d’un nouvel outil pour éviter de tels mouvements de panique : les coupe-circuits boursiers.
Une solution radicale : le coupe-circuit. Parce que la psychologie et les comportements moutonniers jouent un grand rôle sur les marchés boursiers, les principales places financières ont progressivement adopté un outil nommé coupe-circuit. Ce dernier fonctionne comme un coupe-circuit électrique : lorsque l’intensité dans le circuit devient trop élevée, ce dispositif interrompt la circulation du courant électrique.
Le coupe-circuit boursier fonctionne de la même manière : lorsqu’un indice connait une variation trop forte, à la hausse ou à la baisse, l’opérateur qui gère la Bourse interrompt tous les échanges. Ce qui s’était passé à Wall Street dans la foulée des attentats du 11 septembre. Le CAC40 prévoit aussi ce type de procédé si un indice évolue de plus de 10%, à la baisse ou à la hausse. La cotation de ce type d’action est alors suspendue pour la journée.
Dans le cas chinois, les opérations ont été stoppées dès que la chute de l’indice a dépassé 5%. Les opérations sont alors figées pendant 15 minutes, le temps que les marchés fassent une pause et retrouvent leur lucidité. Ce procédé permet aussi de stopper les manœuvres des boursicoteurs qui parient sur une accélération de la chute et contribuent à ce qu’elle se produise réellement. Sauf que si un tel procédé calme les esprits sur la plupart des places boursières, il a au contraire aggravé la panique : à peine rouvertes, les bourses chinoises dévissaient de 7%, provoquant leur fermeture pure et simple.
Un outil abandonné dès vendredi. Si cet outil radical permet de freiner les mouvements de panique, il ne résout pas les problèmes de fonds à l’origine de ces soubresauts boursiers et ne fait donc que repousser dans le temps les mouvements de correction. Paradoxalement, il peut même accroitre les mouvements de panique, surtout lorsque les opérateurs ne sont pas assez éduqués au fonctionnement des marchés boursiers. "L'utilisation du mécanisme disjoncteur est la raison principale de ces chutes car les investisseurs ont paniqué après avoir vu son déclenchement lundi", a déclaré jeudi à l'AFP Chen Xingyu, analyste chez Phillip Securities, avant d’ajouter : "le mécanisme disjoncteur a coupé l'accès au marché des liquidités et les investisseurs ont peur de ne pas pouvoir vendre". Sachant que les bourses seraient fermées si la chute dépassait 7%, les boursicoteurs se sont tous dépêchés de vendre leurs actions, accélérant un peu plus la chute.
Le gouvernement a donc décidé de suspendre ce système automatique de coupe-circuit, a annoncé jeudi l’agence Chine Nouvelle. "Après avoir pesé le pour et le contre, il s'avère que les effets négatifs l'emportent sur les effets positifs", a déclaré l'autorité chinoise de supervision des marchés. Mais suspension ne signifie pas pour autant suppression, les autorités souhaitant visiblement se garder une marge de manœuvre au cas où les marchés chinois replongeraient dès vendredi. En attendant, de nombreux analystes soupçonnent le régime d’agir de manière détournée et plus problématique, en achetant massivement les actions mises en vente pour soutenir les cours.
>> Retrouvez, sur le même sujet, l'Edito Eco de Nicolas Barré, directeur de la rédaction du quotidien Les Echos :
Marchés financiers : va-t-on vers un krach ?par Europe1fr