Négociations entre industriels et distributeurs : comment les prix sont-ils fixés dans les supermarchés ?

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L'inflation a provoqué une augmentation de 15% des produits alimentaires. © Mathieu Thomasset / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
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Ophélie Artaud
À la fin du mois de mai, les distributeurs et les industriels vont se réunir pour la deuxième fois de l'année pour renégocier les tarifs des produits alimentaires, sur demande de Bercy. Une situation qui laisse espérer une baisse des prix dans les mois qui viennent. Mais, des négociations avec les fournisseurs jusqu'au tarif affiché dans les rayons, comment les prix sont-ils fixés ?

Le montant du panier de courses des Français n'a cessé d'augmenter ces derniers mois, en raison de l'inflation, qui atteint 15% sur les produits alimentaires. Mercredi dernier, après des pressions du gouvernement et une rencontre avec le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, les géants de l'industrie agroalimentaire ont accepté de rouvrir des négociations anticipées avec les distributeurs à la fin mai. Une situation qui laisse espérer une baisse des prix dans les mois qui viennent. Mais quelles sont les règles pour fixer les prix de vente des produits, d'abord aux distributeurs, puis dans les supermarchés ?

Négociations sous tensions

Concernant la vente des produits des industriels à la grande distribution, il faut distinguer les marques nationales des marques distributeurs. Les tarifs des produits de marques nationales, comme Ferrero, Herta, Panzani ou Nestlé, sont négociés au début de chaque année entre les industriels et les distributeurs. Des négociations souvent marquées par des tensions entre les deux parties, car les industriels veulent généralement vendre plus cher et la grande distribution ne veut pas augmenter ses prix d'achats.

Concrètement, ces négociations permettent de fixer les tarifs d'achat pour les grandes surfaces, les conditions d'approvisionnement des produits mais aussi leur disposition dans les rayons. Elles doivent être validées chaque année avant le 28 février. Mais si le coût des matières brutes agricoles évolue, une autre phase de négociations peut avoir lieu en cours d'année pour adapter les prix. Cette spécificité a été mise en place en 2018, lors de la promulgation de la loi EGAlim 2, et a pour objectif principal de protéger la rémunération des agriculteurs.

Pour les produits de marques distributeurs, c'est-à-dire ceux lancés par Carrefour, Auchan, Intermarché ou encore Leclerc, les règles diffèrent. Dans ce cas-là, c'est le distributeur lui-même qui décide de lancer un produit et il doit donc faire appel à des industriels pour le confectionner. Le distributeur lance donc un appel d'offres et c'est avec le producteur choisi que se font les négociations. Enfin, pour les produits bruts et frais, comme les fruits et légumes, la viande ou le fromage, les tarifs sont directement négociés avec les producteurs au niveau local.

En mars dernier, l'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté la loi Descrozaille, qui vise à éviter le "déséquilibre structurel" entre fournisseurs, agriculteurs et distributeurs. Car si les négociations ne sont pas actées, les distributeurs peuvent continuer d'acheter les produits au même prix, et ce même si le coût de production des industriels a augmenté. Une décision qui n'a pas convaincu la grande distribution, qui juge cette loi "inflationniste", notamment parce qu'elle encadre les promotions des produits de beauté et d'hygiène à 34%. Fini donc les réductions type un produit acheté, le même offert ou -70% sur une lessive, une crème ou du dentifrice.

Chaque magasin fixe ses prix de vente définitifs

Une fois ces négociations faites et validées par les différentes parties, les distributeurs peuvent acheter les produits aux prix définis. Ensuite, chaque magasin est libre de fixer le prix final, celui affiché en rayon. Cela explique les différences de prix sur un même produit d'un supermarché à l'autre. Seule contrainte : la grande distribution doit absolument vendre les produits 10% plus cher que ce qu'ils les ont achetés aux industriels, dans le but de protéger les revenus des agriculteurs et d'éviter toute pratique anti-concurrentielle.

Dans le cas contraire, les magasins risquent des poursuites : c'est notamment ce qu'il s'est passé en 2018, où une promotion de -70% sur les pots de Nutella avait tourné à l'émeute dans plusieurs magasins du groupe Intermarché. L'enseigne avait été condamnée à 375.000 euros d'amende par la répression des fraudes.