Les Français ont envie de manger local. C’est la conclusion d’une étude du cabinet Natural Marketing Institute, selon laquelle 71% des consommateurs préfèrent acheter des produits locaux. Pourtant, ils ne sont que 42% à passer par les circuits courts (marché de producteurs, fermes, AMAP, commerces spécialisés…) pour faire leurs courses. L’écart entre bonne intentions et passage à l’acte est bien souvent imputable à une idée reçue : manger sain et local reviendrait forcément plus cher. Faux, répondent en chœur celles et ceux qui ont tenté l’expérience.
L’émission d’Europe 1 Circuits Courts a consacré vendredi 18 mai un numéro spécial " Comment manger local et de saison ?", délocalisé à Villeneuve d’Ascq. Autour d’Anne Le Gall et Maxime Switek, Nathalie Picotin-Lô, directrice des Serres des Prés, et Clément Marot, chef engagé d’un restaurant lillois réputé, ont débattu des bienfaits des produits de saison et des moyens de manger local facilement. Le podcast de l’émission est disponible ici.
Comparer ce qui est comparable. Au moment de parler du prix des produits locaux, il faut commencer par écarter les mauvaises comparaisons : oui, le kilo de tomates d’un petit producteur des Alpes-Maritimes restera toujours plus cher que le kilo de tomates espagnoles cultivées dans d’immenses serres. Mais comparons ce qui est comparable. "Quand on compare le prix de fruits mûrs de saison et ceux de fruits conservés en chambre froide, évidemment, ce n’est pas la même chose…", souligne Yuna Chiffoleau, agronome et sociologue à l’INRA, dans Le Monde. En revanche, à qualité égale, "les produits en circuit court sont plutôt moins chers".
Dans ce cas, comment expliquer que moins d'un Français sur deux se tourne vers la vente directe ? Yuna Chiffoleau a travaillé sur la question et est parvenue à une réponse : "les gens qui n’ont pas accès à cette pédagogie ne comprennent pas cette différence de prix : ils voient des prix plus élevés et se disent que ce n’est pas pour eux. En revanche, une fois que les consommateurs ont passé la barrière (qui est très forte), une fois qu’ils ont goûté, ils comprennent et ils sont convaincus".
Des courses abordables. Ainsi, les produits de saison achetés directement à la ferme ou dans une AMAP (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne), en plus d’avoir des vertus pour le corps, sont moins chers que les mêmes produits achetés hors-saison, importés depuis un autre continent. Idem pour la viande, évidemment chère si on veut de la qualité. Mais certaines pièces de bœuf sont plus abordables pour le porte-monnaie, comme les morceaux à mijoter. Une bonne façon de manger de la bonne viande française à moindre coût.
Manger local à un bon prix : Mathilde Golla, journaliste au Figaro a tenté l’expérience et en a tiré un livre, 100 jours sans supermarché. "Je pensais que ce serait plus cher et en fait non, c’est vraiment une idée reçue. J’ai découvert qu’au cours de ces 100 jours, j’avais dépensé plutôt moins d’argent que lors de mes courses hebdomadaires au supermarché", affirme-t-elle, au micro d’Europe 1.
Changer ses habitudes. Pour s’y retrouver financièrement en mangeant local et sain, Mathilde Golla a dû "revoir certaines habitudes, consommer différemment et faire beaucoup de choses" elle-même. "J’ai fait plus de cuisine, par exemple les pâtes à tarte qu’on a tendance à acheter toutes prêtes au supermarché. Même chose pour la lessive, qui est le grand succès de l’expérience : pour 6,50 euros, j’ai acheté quelques pastilles de lessive qu’on fait bouillir avec de l’eau et des huiles essentielles (si on le souhaite) et qui permettent de faire pour à peu près un an de lessive. Les grandes surfaces ne peuvent pas du tout s’aligner sur ce prix", explique la journaliste.
Pour les gens qui ne sont toujours pas convaincus, il y a un autre argument : quand on fait ses courses directement chez le producteur, "on achète moins et on gaspille beaucoup moins. On a tendance à cuisiner tout ce qu’on a acheté", note Mathilde Golla. Un comportement plus économe renforcé par la moindre facilité d’accès aux magasins de producteurs et aux marchés. "Il faut tout prévoir parce qu’on peut difficilement se rendre dans un marché de producteurs au dernier moment. Planifier ses repas demande du temps mais du coup en prévoyant tous les ingrédients, on achète la juste quantité", conclut-elle.
A la campagne et en ville. Et si s’approvisionner auprès des producteurs est plus aisé en dehors des grandes villes, les initiatives pour reconnecter les citadins avec les agriculteurs se multiplient. Outre le réseau de la Ruche qui dit oui, qui ne cesse de se développer depuis sa création en 2011, des magasins d’ampleur voient le jour dans les villes. A Paris, la start-up Kelbongoo a ouvert à l’été 2017 une "halle alimentaire" proposant 170 m2 de produits venant de l’Oise et de l’Aisne. Et le prix du panier n’est pas plus cher : 2,74 euros le kilo de tomates, 1,65 euros le kilo de courgettes, 2,15 euros les six œufs bio… Des prix sensiblement équivalents à ceux des grandes surfaces, la qualité en plus.