Les retraités et futurs retraités qui ont prêté un œil ou une oreille à l’actualité mercredi matin sont probablement en train de s’inquiéter. En effet, selon Le Parisien, qui a eu accès à des documents des organismes de gestion des retraites, le niveau global des pensions risque de baisser de 9% en quinze ans à cause d’un nouveau système de calcul. Les partenaires sociaux sont réunis à partir de mercredi pour négocier mais déjà les craintes se font sentir.
Possibilité de baisser les pensions. Syndicats et patronat sont réunis au siège du Medef pour négocier la mise en place, au 1er janvier 2019, du nouveau régime de retraite complémentaire, issu de la fusion de l’Agirc (organisme qui s’occupe des cadres) et de l’Arrco (pour tous les autres salariés). Parmi les changements intégrés à ce nouveau régime, un pilotage quasi automatique permettra, selon un document de travail consulté par Le Parisien, de moduler le niveau des pensions afin d’équilibrer les finances. Ceci en jouant sur la valeur du point de retraite, une variable qui sert de base au calcul des pensions, pouvant représenter jusqu’à plus de la moitié du montant versé.
Contactés par Europe 1, les services de l’Agirc-Arrco ont confirmé la possibilité de baisser le niveau des pensions de retraite en cas de déficit financier du régime, une hausse des cotisations étant d’emblée inenvisageable. Une hypothèse qui fait vivement réagir Marie-Josée Kotlicki, secrétaire général de l’Ugict-CGT, la fédération des cadres. "Comme il faut combler les déficits, il est évident que le nouveau texte qui nous est présenté réfléchit à une baisse programmée des pensions de retraite. Le montant des pensions sera la seule variable d’ajustement pour retrouver l’équilibre du régime", déplore-t-elle au micro d’Europe 1.
Baisse sensible. La syndicaliste s'appuie sur une étude d’impact commandée par les partenaires sociaux pour nourrir leur réflexion sur les modalités de la fusion. "L’étude montre que si on prend le régime tel qu’il nous est proposé, on aura une baisse minimale de 9% sur l’ensemble des pensions en quinze ans", souligne Marie-Josée Kotlicki. Le Parisien a ainsi calculé que le montant de la pension obtenue pour 100 euros cotisés passerait de 7,25 euros en 2018 à 5,77 euros en 2033. Une diminution qui concernerait aussi les actuels retraités, dont les pensions ont pourtant déjà été "liquidées".
Plutôt un ultime recours. Mais du côté de l’Agirc-Arrco, on appelle à relativiser. Ce scénario ne serait envisagé que si les réserves accumulées par les caisses de retraite complémentaire fondent de moitié par rapport à leur niveau actuel. Aujourd’hui, l’Agirc et l’Arrco possèdent un matelas équivalent à une année de prestation, soit environ 60 milliards d’euros. Il faudrait que ces réserves descendent donc sous les six mois d’avance, soit moins de 30 milliards. A noter que ces réserves n’empêchent pas l’Agirc-Arrco d’afficher un déficit de 2,24 milliards d’euros en 2016 (tout de même 700 millions d’euros de moins qu’en 2015).
Or, selon les syndicats qui ont signé en octobre 2015 l’accord pour rétablir les finances du régime, les mesures prises à l’époque visent justement à éviter que les réserves fondent de moitié. L’éventuelle baisse des pensions n’interviendrait donc qu’en cas de crise financière majeure des régimes de retraite complémentaires. La crainte de la CGT est donc pour l’instant plutôt théorique. "Il n'est pas souhaitable, ni économiquement ni socialement, de baisser les pensions", a assuré le négociateur du Medef, Claude Tendil. Quoi qu’il en soit, il faut aller vite. Une autre réunion est envisagée la semaine prochaine, les négociateurs devant s'entendre avant la fin de l'année.
Négociations plus larges
Outre cette épineuse question du niveau des pensions, patronat et syndicats doivent notamment traiter la question des droits familiaux, tels les pensions de réversion, et les modalités de financement des régimes. Par exemple, l'âge auquel un veuf ou une veuve peut prétendre à une pension de réversion est de 55 ans à l'Arrco, de 60 ans à l'Agirc. Le projet mis sur la table prévoyait de fixer cet âge à 57 ans dans le régime unifié. Le Medef aurait accepté mercredi matin de l'établir à 55, s'est réjouie Pascale Coton, de la CFTC. Autre point abordé, la mise en place de nouvelles cotisations fusionnant des cotisations existantes, dont certaines spécifiques aux cadres, et qui pourront faire des perdants chez certains salariés, notamment chez 5% d'assurés de l'Arrco, redoutait Philippe Pihet, de FO, la veille de la réunion.