Les voyageurs n’apprécient guère leur passage dans les aéroports d’Orly et de Roissy-Charles de Gaulle. La sentence n’est pas nouvelle mais elle est confirmée par une étude de l’UFC-Que Choisir sur la satisfaction à l’égard des aéroports (enquête réalisée en partenariat avec sept autres organismes consuméristes étrangers : Belgique, Espagne, Portugal, Italie, Danemark, Brésil et Australie). Sur 32 plateformes aéroportuaires évaluées, Orly et Roissy occupent respectivement les 29e et 31e places, bien loin des références que sont Singapour et Munich. Les voyageurs se plaignent notamment de la qualité des bars ainsi que du confort des zones d'attente. Pour Loïc Tribot La Spière, délégué général du Centre d’étude et de prospective stratégique (CEPS) et spécialiste du transport aérien, ce mauvais classement ne reflète pas les efforts fournis par l’opérateur Paris Aéroport.
Comment expliquer les 29e et 31e places d’Orly et de Roissy dans le classement de l’UFC-Que Choisir ?
Il faut avoir à l’esprit qu’en matière de transport de passagers, il y a toujours eu une forme de mécontentement des Français à l’égard des infrastructures et des services nationaux. En revanche, il faut bien reconnaître que la France est en retard concernant le développement de ses aéroports. Autour de nous, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni ont commencé à faire des efforts pour rattraper les hubs asiatiques il y a des années.
Nous avons mis plus de temps à nous réveiller. D’où un problème qui revient régulièrement dans les points négatifs des aéroports parisiens : l’accessibilité. C’est très difficile de se rendre à Orly et Roissy, particulièrement pour le second. S’orienter dans Paris puis en sortir pour se rendre dans les aéroports n’est pas chose aisée. Il a fallu se battre pendant des années pour parvenir à modifier les lignes de transport en commun.
Roissy a gagné 16 places en deux ans dans le classement de référence de Skytrax. La tendance est positive mais notre plus grand aéroport n’est toujours que 32e…
Orly et Roissy sont des aéroports vieillissants. Des efforts sont faits mais on est parti de tellement bas que cela demande forcément du temps. Pendant de trop longues années, les acteurs du transport aérien ont eu le sentiment que tout allait bien en France, que nos aéroports étaient au niveau. Mais à force de truster le bas des classements Skytrax, ils ont fini par réagir aux critiques.
Aujourd’hui, l’aéroport doit être envisagé non plus comme un simple espace de transit mais comme un lieu de consommation. L’enjeu est d’optimiser le temps d’attente des voyageurs en leur proposant des activités et des services nouveaux. Cela implique de nouvelles formes de restauration et de loisirs et de rehausser le confort des zones d’attente. Le président de Paris Aéroport (ex-Aéroports de Paris) fait ce qu’il faut pour faire entrer Orly et Roissy dans une nouvelle ère.
Dans le classement UFC des aéroports de taille moyenne, Toulouse (9e) et Nice (12e) font bonne figure. Faut-il en faire des modèles pour les plateformes parisiennes ?
Orly et Roissy forment un hub international incomparable aux aéroports de taille moyenne que sont Nice, Lyon ou Toulouse. Les aéroports de Paris ne peuvent pas être traités comme les autres, ils ont un cahier des charges bien particulier. Quoi qu’il en soit, à titre personnel, je suis persuadé que plus l’implication d’acteurs privés est forte, meilleur est le service pour les voyageurs. L’État n’est pas un bon gestionnaire d’aéroports, il a une vision trop restrictive.
Laissons le temps au temps. Il n’y a pas de déterminisme négatif qui condamnerait les aéroports français à être inférieurs à ceux de nos voisins. Concurrencer les plateformes aéroportuaires asiatiques n’est pas encore à notre portée pour le moment mais les efforts fournis finiront par payer. Stop au french bashing !
Quelles doivent être les priorités des aéroports français pour s’améliorer ?
Il faut évoluer vers encore plus de services aux consommateurs. C’est très difficile car cela va à l’encontre de la façon de penser des décideurs français. On ne comprend pas toujours qu’un aéroport puisse être autre chose qu’un endroit où se contente de prendre l’avion. Pourtant, c’est en proposant de meilleures prestations que la perception de nos aéroports s’améliorera. L’idée que le service minimum suffit est une absurdité.
Le passager aérien ne doit pas être considéré comme un usager mais comme un client. La différence est fondamentale. L’usager utilise les services publics. Il paye des impôts pour les financer et sait ce qu’il obtient en retour. Alors que le client a recours à un service commercial. Il paye ce qu’il consomme et escompte que la performance soit à la hauteur de ses attentes.
Les aéroports parisiens doivent aussi passer de nouveaux deals avec les compagnies aériennes. Il ne faut pas oublier que les aéroports ne marchent que si les compagnies leur amènent des passagers. Il est impératif que Roissy et Orly engagent des synergies globales avec les transporteurs aériens, à commencer par Air France.