Les billets de 500 euros sont-ils encore utile ? Et, surtout, ne présentent-ils pas plus d’inconvénients que d’avantages ? Ces questions, la Banque centrale européenne (BCE) se les pose depuis plusieurs mois. Une réflexion qui pourrait l’amener à annoncer mercredi une mini-révolution : la fin de la production des plus grosses coupures en euros.
Des billets qui posent question. Dans une époque où les cartes bancaires sont devenues la norme et les paiements en liquide limités à 1.000 euros en France, le billet de 500 euros paraît de moins en moins utile. D’ailleurs, rares sont les personnes à en avoir déjà tenu un dans leurs mains. Pourtant, ces grosses coupures n’ont jamais été aussi nombreuses en circulation : le nombre de billets de 500 euros en circulation a augmenté de 50% en dix ans, bien plus que toutes les autres coupures.
"Pourquoi y a-t-il tant de billets de 500 euros en circulation, alors que plus de la moitié des citoyens de l’UE n’en ont jamais vus ? Il y a forcément une anomalie", résume Igor Angelini, responsable des institutions financières chez Europol.
Une coupure surnommée le billet "Ben laden".Mi-février, le président de la BCE Mario Draghi s’était montré plus explicite : le billet de 500 euros est de plus en plus utilisé à des fins criminelles. D’abord parce qu’il est utilisable dans la plupart des pays du monde, à la différence d’autres devises, ensuite et surtout parce qu’il a une valeur faciale très élevée. Résultat, une valise contenant un million d’euros en coupures de 500 ne pèse que 2,2 kg selon les calculs d’Europol. A titre de comparaison, le million de dollars pèse au minimum 10 kg.
Parce que le billet de 500 euros est donc le meilleur moyen de déplacer de l’argent sans se faire repérer, il est rapidement devenu le meilleur ami des milieux mafieux et terroristes. Une utilisation sulfureuse qui a valu à cette coupure un surnom éloquent : le Ben Laden.
Très naturellement, les adeptes de la fraude fiscale et du blanchiment d’argent l’ont également adopté. Et Europol de faire un parallèle avec un phénomène inexpliqué : la tendance du Luxembourg à en imprimer bien plus qu’il n’en a besoin alors que ses concitoyens utilisent surtout leurs cartes bancaires. Ainsi, en 2014 le Grand-Duché a imprimé en billets l’équivalent de deux fois son PIB, alors que les autres Etats européens impriment en moyenne l’équivalent de 10 % de leur PIB. Cherchez l’erreur.
Plus d’impression mais pas de suppression ? De plus en plus d’Etats ainsi que les institutions européennes militent donc depuis des mois pour la fin du billet de 500 euros. C'était sans compter sur l’opposition de l’Allemagne, qui tient à cette coupure pour des raisons historiques : refroidis par les dictatures nazie puis communiste où la propriété privée était toute relative, ses concitoyens préfèrent conserver de l’argent à domicile, si possible en grosses coupures.
Faute de consensus, la BCE pourrait donc annoncer mercredi une solution hybride : ne plus fabriquer de cette coupure tout en laissant ceux qui en ont les conserver. La coupure de 500 euros ne disparaîtrait que progressivement, chaque billet passant par une banque étant renvoyé à la BCE.
D’autres Etats y ont déjà renoncé. Si les Européens débattent de l’utilité des très grosses coupures, la question ne pose même plus dans d'autres pays. Ainsi, aucune coupure supérieure à 50 livres sterling n’est disponible au Royaume-Uni et les Etats-Unis ont retiré de la circulation toutes les coupures supérieures à 100 dollars dès 1969. Et ils pourraient aller encore plus loin : dans une tribune publiée en février dans le Washington Post, l’ancien secrétaire au Trésor Larry Summer appelait à supprimer la coupure de 100 dollars, toujours pour les mêmes raisons.