En mai 2023, aller à la pompe en France reste une épreuve pour le portefeuille. Et si TotalEnergies plafonne le litre d'essence et de diesel à 1,99 euro dans ses stations-service, trouver d'autres distributeurs dépasser la barre des 2 euros n'a rien d'incongru. En moyenne, le sans plomb 95 s'établit à 1,878 euro le litre en France, selon le ministère de la Transition écologique, soit 6% de plus qu'avant le déclenchement du conflit en Ukraine. 15 mois plus tard, les tarifs restent donc très élevés dans l'Hexagone alors qu'une tendance à la baisse s'observe chez la plupart de nos voisins européens et que le cours du baril de pétrole a retrouvé son niveau d'avant crise. En Allemagne, le prix du litre d'essence, hors taxe, est même légèrement plus bas qu'en février 2022.
La France consomme davantage de biocarburant
Mais la France et ses automobilistes recèlent de spécificités. Dans l'Hexagone, les détenteurs de véhicules essence roulent davantage au SP95-E10 qui contient un peu plus de 8% de bioéthanol. Un carburant d'origine végétal dont le tarif a flambé en début d'année. "Avec la guerre en Ukraine, le prix des matières premières agricoles a explosé et reste élevé à ce jour", souligne Olivier Gantois, président de l'Union française des industries pétrolières (UFIP). Le litre de super éthanol a d'ailleurs enregistré une hausse significative en début d'année, s'affichant à près d'1,20 euro le litre tandis qu'en temps normal, il n'excède que très rarement la barre symbolique d'1 euro.
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Mais cette simple explication ne saurait décrypter à elle seule le phénomène. En France, comme dans certains pays de l'UE, les distributeurs d'énergie (électricité, gaz et donc... carburant) sont soumis à des obligations environnementales. Dans l'Hexagone, cette règlementation, connue sous la dénomination "Certificats d'économie d'énergie" prend une forme bien particulière. "Les distributeurs doivent démontrer qu'ils ont fait faire des économies d'énergie à des clients. Ils doivent ainsi prouver qu'ils ont participé à un programme d'isolation d'une maison ou de remplacement d'une chaudière", éclaire Olivier Gantois. À noter qu'un distributeur de carburant par exemple peut très bien participer à un projet très éloigné de son activité première. "Et cela a un coût. En plus, ce coût moyen a augmenté depuis un an car les objectifs sont plus élevés. Chaque opération devient plus coûteuse", ajoute Olivier Gantois.
L'impact des grèves dans les raffineries
Enfin, la France a dû encaisser en première ligne l'embargo sur le pétrole russe, entré en vigueur le 5 février dernier. Si la mesure concerne l'ensemble de l'Union européenne, son impact est particulièrement visible dans l'Hexagone qui, en 2019, trônait en tête des pays les plus consommateurs de diesel sur le Vieux-continent. "La France importait près de 30% de son gazole de Russie en 2021", rappelle Olivier Gantois. Paris doit donc s'approvisionner en quantité auprès d'autres fournisseurs, moyennant un prix plus élevé.
Enfin, le contexte social tendu des derniers mois en France, et les grèves dans les raffineries qui en ont découlé, ont mécaniquement fait grimper la facture en station service. "Normalement, on est auto-suffisant en sans-plomb. Mais là, il a fallu aller en chercher ailleurs. Et dans ces cas-là, les fournisseurs ne nous font pas de cadeaux", fait remarquer Francis Pousse président de la branche stations-service du syndicat professionnel Mobilians. Selon les données publiées par la commission européenne le 1er mai dernier, seules les stations services danoises et finlandaises affichent des tarifs plus élevés que celles de l'Hexagone.