Ce mercredi est placé sous le signe du PLF, et cela ne vous dit peut-être pas grand-chose. Pourtant, ce sigle, qui signifie Projet de loi de finances, est d’une importance capitale : c’est dans ce texte que le gouvernement indique comment il compte gérer le budget de l’Etat l’année suivante. Le ministre de l’Economie et des Finances Michel Sapin a donc soigné sa présentation et multiplié les références au "principe de responsabilité" ou encore à la "capacité à maîtriser nos dépenses". Mais concrètement, que compte faire le gouvernement de l’argent public pour la dernière année du mandat présidentiel ?
Combien l’Etat prévoit-il de dépenser en 2017 ? D’après les prévisions et les choix du gouvernement, l’Etat français devrait dépenser 381,7 milliards d’euros en 2017, c’est-à-dire 1,9% de plus qu’en 2016. Cette hausse des dépenses est censée être compensée par la croissance et l’inflation. Reste à savoir si la croissance prévue, 1,5%, sera au rendez-vous et si l’inflation repartira enfin après deux années proches de zéro. Dans le cas contraire, l’Etat aura du mal à tenir le budget prévu.
Pour financer ces dépenses, le gouvernement prévoit d’encaisser 307 milliards d’euros, principalement par le biais de la TVA et de l’impôt sur le revenu. Les recettes prévues sont donc elles aussi en hausse (+1,7%), mais dans une moindre mesure que les dépenses. Malgré des dépenses qui progressent moins vite que les recettes, l’Etat prévoit de dépenser plus qu’il ne gagne et devrait donc finir l’année avec un déficit estimé à 2,7% du PIB. C’est néanmoins que les années précédentes.
Qui sont les gagnants et les perdants parmi les ministères ? Chaque année, le gouvernement définit des priorités qui ont des conséquences bien concrètes pour les ministères : certains sont sommés de se serrer la ceinture tandis que d’autres bénéficient d’une rallonge. A ce petit jeu, l’Education nationale, la Sécurité, l’Emploi et la Justice sont les grands gagnants du budget 2017 et vont bénéficier au total d’environ 7 milliards d’euros de plus qu’en 2016. A l’inverse, le ministère de l’Economie et des Finances va devoir réduire son train de vie, avec une perte d’environ 1.500 postes.
Ces arbitrages entre ministères sont globalement les mêmes que l’année précédente, à une différence près : le budget 2017 prévoit bien moins de coups de rabots que les deux précédents, une tradition lorsque l’élection présidentielle approche.
Et parmi les contribuables ? Pour les mêmes raisons électorales, le gouvernement a prévu de modérer les recettes qu’il ponctionne auprès des particuliers et des entreprises. Comme annoncé, les particuliers vont bien bénéficier d’une baisse de l’impôt sur le revenu d’un milliard d’euros : cinq millions de foyers fiscaux devraient en bénéficier, principalement parmi les petits contribuables. En revanche, les foyers fortunés qui multiplient les montages complexes pour éviter de régler l’ISF seront davantage contrôlés.
Les entreprises vont, elles, continuer à bénéficier du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et d'une baisse ciblée de l'impôt sur les sociétés. Au total, ce geste représente 5 milliards d’euros.
Ce budget est-il réaliste ? "Ce budget est sérieux", a martelé le ministre de l'Economie et des Finances Michel Sapin, il est "crédible et sérieux" a renchéri François Hollande. Pourtant, deux questions se posent : la croissance prévue sera-t-elle au rendez-vous et le déficit sera-t-il tenu ? Certains en doutent.
Côté croissance, le gouvernement prévoit une hausse du PIB de 1,5% en 2017, c’est-à-dire autant qu’en 2016. Mais ce qui présenté comme une preuve de prudence par Bercy est considéré comme un excès d’optimisme par le Haut conseil des finances publiques (HCFP), chargé de vérifier les prévisions budgétaires. A ses yeux, la croissance pourrait être bien moindre en raison des "incertitudes liées au Brexit", de l'"atonie persistante du commerce mondial" et des "conséquences des attentats" sur le tourisme. Le FMI et l’OCDE doutent également de cette prévision puisqu’ils tablent respectivement sur une croissance de 1,2% et de 1,3%. Or, ces différences de décimales ne sont pas anodines : un écart de 0,1 point représente un peu plus de 2 milliards d’euros. Si la croissance s’élève finalement à 1,3%, et non à 1,5%, l’Etat risque d’encaisser moins d’agent et donc de finir l’année avec un déficit bien plus élevé que prévu.
Le déficit public est justement l’autre source de débats. Considérant que la croissance sera plus faible que les prévisions gouvernementales, le HCFP a là aussi tiré la sonnette d’alarme. Le gouvernement prévoit un déficit de 2,7% ? C’est "improbable", estime cette institution, qui juge même "incertain" le retour sous la barre des 3%. Or, la France promet depuis des années à Bruxelles de repasser sous ce seuil, sans jamais y arriver. Si c’était le cas, Paris s’exposerait à des sanctions après avoir bénéficié de passe-droit en cascade depuis que l’Union européenne a instauré cette règle d’or budgétaire.