L'Assurance maladie a battu en 2014 un triste record. Celui des fraudes dont le montant a atteint 196,2 millions d'euros, soit une augmentation de 17% par rapport aux 167,1 millions d'euros de 2013, selon des informations obtenues par le quotidien Les Echos. Si les assurés profitent des failles du système, ils ne représentent "que" 20% des fraudes, soit un montant de 38,8 millions d'euros. Les premiers fraudeurs sont en réalité les professionnels de santé, médecins ou encore infirmiers ainsi que les établissements de santé. Responsables de 65% des fraudes, ils ont détourné 125,7 millions d'euros en 2014.
Les malades imaginaires des médecins généralistes. Avec 73,1 millions d'euros détournés, les professions médicales sont celles qui font perdre le plus d'argent à l'Assurance maladie. Médecins, infirmiers libéraux, kiné, dentistes… ont ainsi détourné 37% des 196,2 millions d'euros perdus.
Le cas le plus classique est le médecin qui facture des visites à un patient bénéficiant d'un tiers-payant… Des visites qu'il n'effectue pas. Il remplit les papiers lui-même : ordonnance bien sûr mais aussi les feuilles de soins du malade imaginaire qu'il signe lui-même, précise Les Echos.
Les calculs maisons des infirmiers libéraux. Certains infirmiers ne sont pas en reste, surtout ceux qui dirigent leur propre cabinet. Depuis la mise en place d'une cotation à l'acte, ils n'hésitent pas là aussi à déclarer à l'Assurance maladie des actes en réalité non effectués. Par exemple, suite à une opération, quand un médecin prescrit un pansement à changer tous les jours pendant 30 jours, l'infirmier déclarera les 30 jours à l'Assurance maladie même si, au bout de 10 jours, cicatrisation finie, il a cessé de se déplacer au domicile du patient, explique un infirmier libéral contacté par Europe 1.
Petits arrangements autour des cotations d'actes. Les établissements de santé arrivent deuxième dans le classement des fraudeurs. Ils ont détourné en 2014 52,6 millions d'euros, soit 27% du total. Depuis 2004, l'Assurance maladie ne donne plus une dotation globale aux hôpitaux mais une dotation selon les actes effectués. Pour que leur hôpital récupère le maximum d'argent, certains médecins n'hésitent donc pas à cocher les actes les plus rémunérateurs. Par exemple, face à un patient paralysé suite à un AVC, mieux vaut déclarer une "paralysie flasque" plutôt qu'un "AVC", le premier rapportant beaucoup plus, rapporte à Europe 1 un médecin hospitalier.
À ces fraudes peuvent aussi s'ajouter des abus au niveau des soins. Par exemple, un service peut décider de prescrire automatiquement à tout nouveau patient une recherche de carence en vitamine D. Non pas parce qu'il en a besoin, juste parce que cette prise de sang rapporte beaucoup.
Et pour être plus efficace, la fraude peut devenir une spécialité. Le praticien contacté par Europe 1 explique que dans son service, un seul médecin a en charge la cotation des actes car "pour gratter tout ce qu'on peut, il faut très bien connaître le système".
Quid des sanctions ? L'Assurance maladie peut récupérer auprès des professionnels de santé les sommes indûment perçues. Sur les dix dernières années, elle a ainsi remis la main sur 1,4 milliard d'euros et 2.600 fraudeurs ont été condamnés à de la prison, rapporte Les Echos. Les ordres professionnels sanctionnent aussi en ayant émis, pour la même période, 2.900 interdictions de donner des soins.