Réchauffement climatique, maladies... Pourquoi le prix de la banane risque d'augmenter

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avec AFP / Crédits photo : Nicolas Guyonnet / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Malgré la popularité de la banane partout dans le monde, et notamment en France, la filière voit l'avenir se troubler sur fond de réchauffement climatique. Le secteur observe une contraction du marché mondial (passé sous 20 millions de tonnes exportées en 2023) et redoute des lendemains compliqués.

Quel avenir à l'export pour ce fruit du bout du monde ? La banane, populaire et encore abordable, devrait battre un nouveau record de consommation en France cette année, à 750.000 tonnes, mais la filière voit l'avenir se troubler sur fond de réchauffement climatique. Entre 2020 et 2024, l'achat de bananes a crû de 6% dans l'Hexagone, où elle est devenue en 2023-24 le premier fruit consommé, devant la pomme, selon Kantar.

Contraction du marché mondial de la banane

"Le choix des distributeurs de fixer la plupart du temps le prix à moins d'1,99 euro le kilo a un rôle", dans un contexte général d'inflation, explique Philippe Pons, président de l'Association interprofessionnelle de la banane (AIB). La France, avec 11,5 kg consommés par habitant, a encore une marge de progression par rapport au reste de l'Europe, à 12,7 kg.

Mais dans le même temps, le secteur observe une contraction du marché mondial (passé sous 20 millions de tonnes exportées en 2023) et redoute des lendemains compliqués. "La banane est entrée dans une phase de mutation, contrainte par des facteurs globaux. L'enjeu c'est de maintenir son accessibilité, dans un contexte où les risques et les changements sont importants", dit Philippe Pons.

Réchauffement climatique sur toutes les zones de production

Les coûts de production ont flambé après 2020, et s'ils ont décru depuis, ils n'ont pas regagné leur niveau d'avant la pandémie : intrants, énergie (pour les transports mais aussi la centaine de mûrisseries installées en France près des villes), carton (pour transporter la banane)...

Le secteur est percuté par le réchauffement climatique sur toutes ses zones, Antilles, Afrique, Amérique latine, entre précipitations déréglées, températures extrêmes, cyclones plus intenses. Le transport lui-même est entravé quand les écluses supérieures du canal de Panama ne sont plus suffisamment alimentées en eau. Ainsi en Equateur, premier fournisseur européen, des producteurs ont "massivement quitté" la banane au profit d'autres cultures depuis 2022, réduisant les exportations du pays de 15 à 20%, explique-t-on à l'AIB.

Le bio, pas une solution dans les zones les plus humides

Alors, ce fruit du Sud peut-il rester dominant sur les étals du Nord ? Ses défenseurs listent ses atouts : 30 tonnes à l'hectare, faible emprise en surface, vecteur de développement local... "A condition qu'on trouve une voie de passage en terme d'adaptation et de système durable," explique François-Xavier Côte, agrophysiologiste au Cirad, centre de recherche en agronomie tropicale, invité par l'AIB à dresser un panorama des solutions. Le secteur assure de son engagement en matière de durabilité.

Alors que l'histoire de la banane reste marquée par certains usages passés (comme le recours, jusque dans les années 1990, au nocif pesticide chlordécone aux Antilles), le bio s'est développé depuis 10 ans, pour atteindre en France 14% du volume de bananes vendues (19% en valeur).

Le bio n'est toutefois pas une option dans les zones les plus humides, soumises aux maladies fongiques, explique François-Xavier Côte. Mais un panel de solutions existe, énumère-t-il : prévoir un couvert végétal plutôt qu'un sol nu, de la fauche mécanique au lieu de désherbant, des pièges pour charançons au lieu d'insecticides, des jachères pour assainir les sols avant plantation d'un plant sain produit en laboratoire...

Développement de nouvelles variétés de bananes

"On prépare aussi le développement de nouvelles variétés, destinées à résister aux maladies et à diversifier" un produit d'autant plus vulnérable que les échanges sont aujourd'hui largement basés sur une variété, la Cavendish. "C'est très compliqué d'améliorer la banane : il n'y a pas de graines, il faut repartir de variétés sauvages, et peu de généticiens au monde travaillent là-dessus", une vingtaine, souligne François-Xavier Côte. Cela a des coûts : "Qui les prend en charge ? Sur des produits transformés à haute valeur ajoutée comme le café, il y a une marge de manœuvre importante. Sur la banane la question se pose".

Philippe Pons appelle à "une responsabilité partagée", à "l'engagement de tous les acteurs". Parmi les pistes, le secteur veut limiter le gaspillage, déjà réduit par l'essor des bananes vendues enserrées dans un ruban. Il discute aussi avec la grande distribution "pour que le cahier des charges soit plus ample sur l'acceptation des fruits", encouragé par le succès en Espagne de la banane des Canaries et ses "défauts visuels".