Fin du suspense : après avoir annoncé fin février les grandes lignes de sa réforme de la SNCF, le gouvernement a levé le voile sur la méthode mercredi. Comme prévu, l’exécutif a choisi de passer par la voie des ordonnances comme l’indique le projet de loi d’habilitation présenté par la ministre des Transports Élisabeth Borne et le Premier ministre Édouard Philippe à l’issue du Conseil des ministres. Un texte court comprenant huit articles qui officialisent, entre autres, la suppression progressive du statut des cheminots et prépare l’ouverture à la concurrence.
Vote avant l'été
Le "projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire" n’est guère épais : à peine quatre pages qui décrivent les principales orientations de la future loi, selon Le Monde qui a eu accès au texte avant la présentation officielle. Le projet de loi d'habilitation sera débattu à la mi-avril au Parlement. L'objectif est d'"améliorer le fonctionnement du groupe public ferroviaire", explique Élisabeth Borne sans citer le nom de la SNCF.
"Comme la concertation débute, le projet de loi ne fait qu'indiquer le cadre de la réforme. Au fil de la concertation, dès qu'un sujet aura suffisamment avancé, il sera introduit par amendement dans le débat parlementaire à la place des ordonnances", a expliqué Élisabeth Borne, qui a pour objectif l'adoption de la "loi pour un nouveau pacte ferroviaire" avant l'été.
Fin des recrutements au statut
Ainsi, l’article 1 du projet de loi est consacré à la transformation de la SNCF. Le gouvernement entend "améliorer le fonctionnement du groupe public ferroviaire dans le contexte de l’achèvement de l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire" qui doit intervenir dès 2020. L’organisation et la gouvernance de la SNCF devront être redessinées en vue d’un passage du statut d’établissement public à celui de société anonyme (mais la SNCF resterait un groupe public).
Dans ce même article se trouve le point noir des syndicats, à savoir "les conditions de recrutement et de gestion des emplois des salariés du groupe public ferroviaire". La fin des recrutements au statut des cheminots est officiellement actée : "C’est dans ce cadre que sera notamment confirmé l’arrêt des recrutements au statut des nouveaux agents". Le projet de loi précise toutefois que les contrats de travail actuels ne seront pas affectés par la transformation juridique de la SNCF.
Une ouverture à la concurrence "maîtrisée"
Autre chantier majeur : l’ouverture à la concurrence, concernée par les articles 2 à 5, et qui pourrait avoir lieu dès 2020 pour les TER (avec obligation en 2023) et 2021 pour les TGV. Le projet de loi expose que "toute entreprise ferroviaire disposera d’un droit d’accès à l’infrastructure ferroviaire nationale" fin 2020. L’ouverture à la concurrence devra être "maîtrisée et progressive" et se faire "dans le respect des spécificités régionales et des droits des salariés".
Possibilité de décaler. "Je propose de maintenir la possibilité pour les régions qui le souhaitent de faire une attribution directe à la SNCF jusqu'à la date limite de 2023, tout en permettant à celles qui le souhaitent d'ouvrir progressivement à la concurrence à partir de décembre 2019", a déclaré Élisabeth Borne à l'issue du conseil des ministres. Les régions Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Hauts-de-France et Grand-Est sont actuellement les plus prêtes à essayer la concurrence, tandis que la Bretagne et l'Occitanie restent rétives. La ministre prône aussi "un calendrier différent pour l'Île-de-France, qui est un réseau particulièrement complexe, et donc de décaler dans le temps, à un rythme qui reste encore à discuter (…) l'ouverture à la concurrence". La RATP détient le monopole sur sa partie du RER jusqu'en 2039, par exemple.
Visiblement soucieux de calmer les inquiétudes des salariés, le gouvernement insiste dans son projet de loi sur "la dimension sociale de l’ouverture à la concurrence (…) pour concilier l’exigence de continuité du service public et la garantie des droits des agents" en cas de transfert de la SNCF vers une entreprise privée.
La dette passée sous silence
En cherchant bien, il y a quand même une absence étonnante dans le texte : la dette n’est mentionnée nulle part. Or, les 47 milliards d’euros qui pèsent sur les comptes de SNCF Réseau devront forcément entrer dans l’équation au moment de transformer l’entreprise publique en une société anonyme qui ne pourrait pas conserver cette dette. Fin février, Bruno Le Maire avait affirmé que l’État pourrait éventuellement, "d'ici la fin du quinquennat, envisager la reprise de la dette de la SNCF". Après mercredi, la question reste toujours en suspens.
Pour compléter ce projet de loi, la SNCF doit présenter jeudi au gouvernement un "plan stratégique interne" pour améliorer sa compétitivité et ses performances. Le plan abordera les aspects industriels, managériaux et sociaux de la gestion de l’entreprise. L’objectif est double : améliorer la qualité du service et réaliser des économies nécessaires à la viabilité de la SNCF.