Édouard Philippe a confirmé lundi à Matignon la volonté du gouvernement de recourir aux ordonnances pour faire passer rapidement sa réforme du rail et de la SNCF. Dans un premier temps, les ordonnances seront "limitées aux seuls aspects techniques" de la réforme. "Mais si certains sujets s’enlisent, si certains tentent de pervertir les discussions, d'en faire un débat idéologique, alors le gouvernent prendra ses responsabilités", a menacé le Premier ministre. Sur le fond, la réforme ne touchera ni aux petites lignes ni aux retraites des cheminots mais veut mettre fin aux recrutements au statut et résorber la dette colossale de la SNCF.
- Le recours aux ordonnances
Le gouvernement va donc recourir aux ordonnances pour mener la réforme de la SNCF, dont il entend faire voter les "principes-clés avant l'été", a annoncé lundi Édouard Philippe. "Face à l'urgence (…) nous voulons aller vite sans escamoter pour autant la concertation ou le débat parlementaire", a plaidé le Premier ministre, qui souhaiterait réduire "le contenu des ordonnances aux seuls aspects techniques". La réforme sera "concertée avec l’ensemble des partenaires concernés : organisations syndicales et patronales, usagers, régions".
Mais Édouard Philippe a d'ores et déjà prévenu les partenaires sociaux : "si certains sujets s’enlisent, si certains tentent de pervertir les discussions, d'en faire un débat idéologique, alors le gouvernement prendra ses responsabilités", a averti le Premier ministre, sous-entendant que l'exécutif pourrait aussi passer en force sur le fond du dossier.
- Fin des recrutements au statut
Comme suggéré par le rapport Spinetta, le Premier ministre compte s'attaquer au statut des cheminots. Pas de remise en cause directe mais après la réforme, il n'y aura plus de recrutement au statut à la SNCF. "Aux nouvelles générations, aux apprentis, à tous ceux qui veulent s'engager dans la SNCF, nous disons qu'ils bénéficieront des conditions de travail de tous les Français, celles du Code du travail. A l'avenir, à une date qui sera soumise à la concertation, il n'y aura plus de recrutement au statut", a déclaré Édouard Philippe. Cette contrainte s'accompagnera de "garanties en contrepartie" pour faire en sorte que les métiers du rail restent attirants.
- Résorber la dette de la SNCF
Autre objectif de la réforme : remettre de l'ordre dans la gestion de la SNCF et construire "un modèle économique équilibré". Estimant que "pendant trop longtemps, on n'a pas osé réformer le rail", Édouard Philippe a fustigé la dette de 50 milliards d'euros accumulée au fil des ans par la SNCF, malgré les opérations de renflouement de l'État. "C'est l'équivalent du budget de l'Éducation nationale", a fait remarquer le Premier ministre, ajoutant que cette dette "devrait augmenter de quinze milliards dans les dix prochaines années". Résultat, "le statu quo n’est pas une option car il menace le service public."
Pour résorber cette dette, Édouard Philippe a expliqué que la réforme doit aboutir à faire de la SNCF "un groupe plus performant, améliorer son efficacité industrielle et réduire ses coûts, 30% supérieurs aux autres opérateurs en Europe". Il a donc demandé à la direction de l'entreprise de "présenter avant l’été un projet stratégique d’entreprise". "La SNCF doit contribuer à la réduction de la dette" et si elle agit dans le bon sens, "l’État prendra ses responsabilités pour assurer la viabilité de la compagnie", a complété le Premier ministre.
- Préparer l'ouverture à la concurrence
La réforme du rail engagée par le gouvernement doit aussi permettre de se préparer "à relever le défi de la concurrence". "Partout où elle a eu lieu, elle a permis une hausse de la fréquentation et de la qualité des services. Il va falloir l’organiser, notamment pour définir les conditions de transfert des salariés. Il s'agit de donner de la visibilité à tous sur les nouvelles règles du jeu", a précisé Édouard Philippe.
- Pas touche aux "petites lignes"
Au milieu de toutes les annonces, les syndicats et les élus locaux trouveront au moins un motif de satisfaction immédiat puisque le gouvernement n’engagera pas "une réforme des petites lignes". "Ce n'est pas une réforme des petites lignes. Je ne suivrai pas le rapport Spinetta sur ce point. On ne décide pas la fermeture de 9.000 kilomètres de lignes depuis Paris sur des critères administratifs et comptables. Dans bien des territoires, le rail est au cœur de la stratégie des régions pour le développement des mobilités", a souligné Édouard Philippe.
- Pas de privatisation de la SNCF dans le viseur
La réforme du rail engagée par le gouvernement ne prépare pas "la privatisation de la SNCF". "Ce n'est pas une réforme qui préparerait la privatisation de la SNCF : la SNCF est un groupe public qui porte des missions de service public. Elle est dans le patrimoine des Français et elle y restera", a déclaré le Premier ministre. Il a toutefois indiqué qu'à l'avenir, il devra y avoir "une garantie pour le contribuable que chaque euro dépensé" aboutisse à un service de qualité.
Par ailleurs, le système de retraite des cheminots n'entre pas dans le périmètre de la réforme. Édouard Philippe a expliqué que la réflexion sur la question s'inscrirait plutôt dans le cadre de la mission de Jean-Paul Delevoye sur la réforme globale du système des retraites.