Après un mois et demi de démarques, les soldes d'hiver s'achèvent mardi. Dans les magasins pourtant, pulls, pantalons et manteaux en réduction sont encore accrochés aux portants, affichant des -70% qui peinent encore à convaincre les consommateurs. Une partie de ces vêtements restera invendue.
"Sont considérés comme invendus les vêtements qui n'ont trouvé preneur ni au prix normal, ni en soldes, ni dans les magasins d'usine", définit auprès de nos confrères de La Croix Guillaume Simonin, responsable des affaires économiques au sein de la Fédération des enseignes de l'habillement, qui regroupe la plupart des chaînes françaises, ainsi que Monoprix et les grands magasins.
Mais alors, comment font les enseignes pour se débarrasser de cette marchandise qui n'a pas trouver preneur. Europe 1 a interrogé les professionnels du secteur pour tenter de faire la lumière sur la seconde vie des habits.
Le recyclage, encore trop rare et difficile à réaliser
"Malheureusement, seule une infime partie des invendus est recyclée", constate amèrement l'économiste Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif Ethique sur l'Etiquette, dans Le Tour de la question, début janvier sur Europe 1. Sont principalement concernés ces fameux vêtements de "fast fashion", à bas coût. "À travers cette mode jetable de très piètre qualité, on a dégradé la fibre, qui elle-même est difficilement réutilisable ou recyclable", confirme Nayla Ajaltouni.
Les tee-shirts achetés une poignée d'euros dans les enseignes de prêt-à-porter sont pour la plupart fabriqués en coton, dont la culture est très gourmande en intrants et en pesticides, ou en viscose, qui nécessite tout autant d'éléments polluants pour la teinture ou l'ennoblissement des fibres.
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Une seconde vie grâce aux associations
Pour les marques qui ne recyclent pas elles-mêmes leurs invendus, des associations existent. C'est notamment le cas d'Emmaüs ou du Relais, pour les plus connues, qui se chargent de donner une seconde vie aux vêtements, le plus souvent donnés par des particuliers. Fondée en 2008, l'Agence du don en nature (ADN) invite les grandes enseignes à nouer un partenariat vertueux avec elle. A ce jour, 23 marques de textile font régulièrement don de leurs invendus à l'association, parmi lesquelles Camaïeu, Petit Bateau ou encore Celio. "Celio nous donne beaucoup de vêtements, et ça augmente chaque année. L'an dernier, la marque a fait don de 70.000 vêtements et accessoires", précise Victoire Scherrer, responsable de la communication d'ADN, jointe par Europe 1.
L'association se charge de référencer tous les produits sur un catalogue en ligne, sur lequel les associations d'aide aux plus démunis passent des commandes en fonction de leurs besoins. En 2018, on a redistribué plus de 3 millions de produits neufs non-alimentaires d'une valeur de près de 31 millions d'euros. Au total, ce sont plus de 376.000 vêtements qui ont été ainsi redistribués en 2018, pour une valeur marchande de 8,7 millions d'euros", calcule Victoire Scherrer.
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De son côté, H&M France assure que "les vêtements défectueux ne pouvant être vendus en magasin (parce qu'ils ont un léger défaut ou sont dépareillés), mais toujours portables et ne présentant aucun risque, sont donnés à une association." La marque précise : "Depuis plusieurs années déjà, notre entité logistique a un partenariat avec l'association Les Petits Riens (l'équivalent belge d'Emmaüs)". "Les vêtements que nous donnons sont triés par Les Petits Riens, puis sont soit proposés à la vente à leur profit dans leur propre réseau de boutiques de seconde main (les fonds qu'ils récoltent ainsi leur permettent de financer leurs programmes sociaux), soit recyclés selon leur état."
Aujourd'hui encore, les marques ne sont pas obligées légalement de recycler leurs vêtements invendus. Et le gouvernement voudrait y remédier. L'an dernier, il a annoncé son intention de porter un projet de loi qui contraindrait les enseignes d'habillement à cette démarche responsable.
Les vêtements incinérés ou envoyés en Afrique ?
L'an dernier, un article du New York Times révélait que H&M avait utilisé une partie de ses invendus de 2017 comme combustible pour la centrale électrique de la ville danoise de Vasteras. L'affaire avait suscité la polémique. Interrogé à ce sujet, H&M France assure ne procéder à l'incinération de ses vêtements uniquement lorsqu'ils sont "impropres à la consommation, donc impropres à la vente, aux dons ou au recyclage". "Il s'agit par exemple de cas de moisissures détectées (lié au transport international par bateau) ou encore quand nos contrôles détectent des taux de produits chimiques non conformes à nos standards", explique la marque.
L'économiste Nayla Ajaltouni alerte aussi sur un autre phénomène moins connu. "Une autre partie de ces invendus va finir sur les marchés de seconde main de pays pauvres, notamment en Afrique de l'Ouest." Et de déplorer les conséquences de ces marchés parallèles. "Ils vont venir concurrencer un marché local, un artisanat, un savoir-faire. Le Kenya ou la Côte d'Ivoire n'ont pas besoin d'être le dépotoir de notre surconsommation et de notre surproduction."
Quid des petites enseignes ?
Si les géants de l'habillement développent depuis plusieurs années une stratégie pour gérer leurs stocks d'invendus, cette perspective est plus bien difficile pour les indépendants. "On a de toutes manières peu de stock, mais si un haut ne trouve pas immédiatement preneur, il restera en rayon aussi longtemps que nécessaire. Et chaque euro est bon à prendre, alors on abaissera fortement le prix s'il le faut", indique la gérante d'une petite boutique de prêt-à-porter du 13e arrondissement de Paris. Seul motif de retrait des rayons : que l'habit soit finalement abîmé.