Comment trouver de nouvelles ressources financières pour la télévision publique ? Après avoir hésité entre une hausse de la redevance, son élargissement à tous les objets connectés et un retour de la publicité après 20 heures, le gouvernement a tranché. Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, la ministre de la Culture Fleur Pellerin assure que la publicité ne fera pas son retour en soirée. Quant à une réforme de la redevance, elle est renvoyé à plus tard. Résultat, une hausse de la redevance se profile.
Un défi budgétaire et trois options. Qu’il s’agisse de France Télévisions ou de Radio France, le constat est le même : les comptes sont dans le rouge. France Télévisions devrait boucler l’année avec un déficit de près de 10 millions d’euros, tandis que l’ardoise devrait avoisiner les 21 millions d’euros chez Radio France. Tous deux tentent bien de rééquilibrer leurs comptes, mais la tâche est ardue dans des groupes aussi lourds à manœuvrer. D’autant que France Télévisions a déjà multiplié les plans de départs volontaires et ne peut pas les accumuler indéfiniment, tandis que Radio France a connu en mars une grève inédite de par son ampleur et sa durée. Pour les patrons du service public, le rééquilibrage des comptes doit donc passer par une baisse des dépenses mais aussi une hausse de leurs dotations. Reste à savoir où trouver l'argent.
Pas de retour de la publicité en soirée sur le service public. C'était l'une des pistes à l'étude, d'autant qu'elle aurait permis de ne pas ponctionner davantage le budget des Français. Mais le gouvernement l'a finalement écarté. "C'était une possibilité. Mais j'avais à coeur de ne pas déstabiliser les autres médias, en télévision, radio, ou presse écrite, qui auraient été touchés par ce rétablissement de la publicité en soirée", a déclaré Fleur Pellerin dans les colonnes du Journal du Dimanche. La fronde des médias privés a donc porté ses fruits, la ministre assurant vouloir leur permettre "d'avoir les moyens de contribuer au pluralisme de l'information et de la création, notamment en financement du cinéma".
Ni de redevance élargie aux ordinateurs et tablettes. L'autre possibilité envisagée était de réformer la redevance pour qu'elle ne porte plus seulement sur les postes de télévision, mais aussi sur les objets connectés permettant de la regarder, d'autant plus que cet usage ne cesse de prendre de l'ampleur. Mais un tel chantier aurait nécessité un délai trop long pour permettre de renflouer les caisses du service public, elle est donc renvoyée à plus tard. "Il faudra s'interroger dans le futur sur une réforme plus globale, adaptée à ces nouveaux usages", a déclaré la ministre de la Culture.
Mais une hausse de un euro de la redevance. Ayant écarté les autres pistes, le gouvernement n'avait plus qu'une piste : augmenter le montant de la redevance, actuellement fixée à 136 euros. Ce sera le cas, avec une hausse de un euro. Mais la ministre assure, pour mieux faire passer la nouvelle, que l'augmentation aurait dû être bien plus élevé. "Une solution aurait été d'augmenter la redevance de 4 euros : nous nous y refusons. Une telle décision aurait été incohérente, la politique du gouvernement visant, au contraire, à baisser les prélèvements", a déclaré Fleur Pellerin. Et la ministre d'ajouter : "j'ai proposé que la (hausse de la) redevance reste limitée à l'inflation, conformément à la loi. La hausse sera donc contenue à un euro seulement en 2016. C'est la plus faible augmentation depuis 2008, date à laquelle son évolution a été indexée sur les prix".
Et les opérateurs télécoms davantage ponctionnés. Mais avec une hausse de 1 euro, le compte n'y est pas pour combler les déficits de l'audiovisuel public.Le gouvernement veut donc aller chercher de l'argent du côté des opérateurs de télécoms : "en complément, nous augmenterons à la marge la taxe que paient les opérateurs d'accès à Intrnet, qui passera de 0,9% de leur chiffre d'affaires à 1,2%", a précisé la ministre. Et il ne s'agit visiblement pas d'une ponction ponctuelle : "cette fraction des recettes sera affectée de façon pérenne à l'audiovisuel public".
Les fournisseurs d'accès à Internet fatigués de devoir payer. "C'est une forme de mépris par rapport à notre secteur, à notre industrie. On considère qu'on peut bien payer ça en plus. Une fois de plus le secteur est pris pour une vache à lait", a réagi le PDG d'Orange dimanche après-midi. Stéphane Richard a exprimé sa "surprise" sur les conditions de cette annonce "qui arrive comme ça un dimanche sans aucune concertation préalable", ainsi que sa "tristesse" de voir que "ce projet est en totale contradiction avec les engagements qui ont été donnés" par le président le la République qui avait indiqué il y a quelques mois, selon lui, qu'il n'y aurait "aucun prélèvement supplémentaire sur les opérateurs qui ne soit affecté à l'investissement dans le secteur des télécommunications".
"Je conteste que ce soit marginal", a clamé le PDG qui explique que cette augmentation de 30% de cette taxe représente "une ponction supplémentaire de l'ordre de 100 millions d'euros pour une entreprise comme Orange". "C'est le montant qu'on pensait investir pour fibrer une ville comme Nantes", donne-t-il comme exemple.