C'est donc Gilles Pélisson qui va succéder à Nonce Paolini à la tête de TF1 en février prochain. Cet ancien patron du groupe Accor a en effet été nommé mercredi futur PDG d'un groupe audiovisuel qui présente plusieurs signes de faiblesse malgré son statut de poids-lourd de l'audiovisuel. Présentation des chantiers qui attendent Gilles Pélisson.
Freiner le déclin des audiences. En 2009, Nonce Paolini avait acheté deux chaînes de la TNT gratuite, TMC et NT1. Et fin 2012, il avait fait l'acquisition d'une troisième, HD1. Dans quel but ? Ces nouveaux canaux ont compensé en grande partie le déclin de l'audience de TF1. Le nombre de téléspectateurs devant TF1 est en effet passé de 30,7% en 2007 à 21,4% en 2015. En incluant ses nouvelles chaînes, le groupe TF1 affiche 28,7% d'audience cumulée.
Mais ces trois chaînes, même si leurs audiences se portent bien, apparaissent comme des cache-misères. Car dans le fond, le navire-amiral TF1 attire moins. Inexorablement. Après une année 2014 correcte, la chaîne est passée depuis janvier sous les 22% de parts d'audience. En juillet, TF1 a même battu le record de la plus mauvaise audience depuis 1987.
Renouveler son offre. Pour stopper l'érosion des audiences, il n'y a pas de secret, il faut une grille ad hoc. Et dans l'immédiat, TF1 doit d'abord renouveler ses programmes phare, à commencer par "Mentalist" qui touche à sa fin. La série américaine a de toute façon vu ses audiences s'effriter au cours des saisons, glissant de 10 millions de spectateurs en 2011 à 7,7 millions cette année.
Dans cette opération, TF1 doit surtout faire preuve d'audace en lançant de nouveaux concepts. La chaîne a en effet souvent tendance à racheter à l'étranger des formats qui ont marché. Une fois mis à la sauce française, cela a donné "Une famille en or" ou "La roue de la fortune" par le passé. Une stratégie qui ne porte plus ses fruits aujourd'hui. Une des voies à suivre est de développer la production de ses propres fictions, nouveau nerf de la guerre, puis de les exporter. Le groupe a déjà exploré les grandes coproductions internationales. Avec succès. Pour preuve, la série "Une Chance de trop" actuellement diffusée, qui fait un carton. En plus de rafler la tête des audiences les jeudis soirs, les deux premiers épisodes ont aussi été regardés en replay par plus de 8 millions de spectateurs sept jours après leur diffusion.
Rester le chouchou des annonceurs. Malgré des audiences en berne, TF1 reste la préférée des annonceurs. Ses recettes ? Un savant mélange des fictions américaines hyper-populaires, de fictions françaises mais aussi de grands événements sportifs et d'émissions de divertissements. Le marché publicitaire a pourtant baissé de 11% depuis 2007. Mais avec ses quatre chaînes, le groupe TF1 tire son épingle du jeu en captant 46% des dépenses publicitaires totales à la télévision, presque autant qu'en 2007 (47%).
Mais TF1 ne doit pas s'endormir sur ses lauriers. "A plus long terme", le groupe doit faire de ses nouvelles chaînes de vrais compléments à TF1 et "dégager des revenus ailleurs que dans la publicité", à l'origine des trois quarts de ses revenus, commente Philippe Bailly, du cabinet d'analystes NPA.
Lyess Meddahi, ancien directeur d'études à Médiamétrie et directeur associé à l'Institut de Conseil Média, a une vision plus sombre. "Il faut reconnaître que les ressources publicitaires s'effondrent et mettent une forte pression sur TF1, la forçant à adopter une logique de baisse du coût de sa grille", explique-t-il à L'Express. "La chaîne organise donc moins de grands événements qui ne sont pas rentables à court terme mais qui, sur le plan de l'image, comptent pourtant", ajoute cet expert.
Investir (encore plus) internet. TF1 l'a compris. La concurrence en 2015 loge désormais dans les autres écrans qui fleurissent dans les foyers des Français. Et les spectateurs les plus jeunes se postent de moins en moins devant la télé pour privilégier leur mobile. C'est pourquoi le groupe a développé son portail internet "MyTF1". Proposant les contenus vidéos des quatre chaînes, il s'inscrit au 22e rang des marques internet françaises.
Mais pour gagner la guerre de l'audiovisuel et du numérique, TF1 peut compter sur un trésor de guerre appréciable. Pour assainir les comptes, l'ancien patron Nonce Paolini a vendu Eurosport en 2014-2015, pour environ un milliard d'euros. TF1 dispose donc actuellement d'un matelas de quelque 800 millions d'euros, selon les analystes.
Le casse-tête LCI. La chaîne d’information en continu LCI, mise sur la touche par BFMTV et iTélé, tire vers le bas le groupe TF1. Son passage en gratuit lui permettrait de survivre. Le CSA doit se prononcer sur la question dans les prochaines semaines. Mais il n'est pas sûr qu'il accepte que le groupe audiovisuel obtienne une cinquième chaîne gratuite. D'autant plus qu'il s'est déjà prononcé contre cet octroi, décision annulée par le Conseil d'Etat pour vice de procédure en juin dernier.