Uber France a en tout cas de nouveau rendez-vous avec la justice, et pour une fois il n’est pas question de VTC (Véhicule de transport avec chauffeur). La société californienne et deux de ses dirigeants doivent comparaître jeudi et vendredi devant le tribunal correctionnel de Paris pour leur service baptisé UberPOP. A force de multiplier les services mais aussi les poursuites, la saga Uber devient de moins en moins lisible. Europe1.fr fait le point.
Qu’est-ce qu’UberPOP ? Il s’agit de l’un des services proposés par la plateforme numérique Uber. Mais à la différence d’Uber, qui propose les services de VTC, UberPOP propose aux particuliers de prendre le volant. Il suffit d’avoir 21 ans et un casier judiciaire vierge pour s’inscrire et devenir chauffeur afin d’arrondir ses fins de mois.
Pourquoi ce service pose-t-il problème ? A cause de la nature du chauffeur, qui n’est pas un professionnel. Du coup, il n’est pas formé aux métiers du transport et n’offre donc pas les mêmes garanties. De plus, un conducteur UberPOP n’a pas à payer de charges sociales, son activité peut donc s’apparenter à du travail au noir.
La société Uber a bien tenté de contourner ces obstacles juridiques en présentant UberPOP comme un service de covoiturage. Mais la justice n'a pas été convaincue : Uber France a condamné le 7 décembre 2015 par la cour d’appel de Paris pour "pratique commerciale trompeuse": le conducteur n’effectuant des trajets que pour gagner de l’argent, la justice a estimé qu’il ne s’agissait pas de covoiturage et a condamné l’entreprise à une amende de 150.000 euros. Cette première manche a été perdue mais elle ne portait que sur la manière de présenter UberPOP. Jeudi, c'est sur le service en lui-même que la justice va se pencher.
Que risque Uber ? La société californienne est poursuivie pour "pratique commerciale trompeuse", "complicité d'exercice illégal de la profession de taxi", "traitement et conservation illégaux de données informatiques" et "enregistrement de données à caractère personnel". La peine maximale encourue pour ces dernières infractions est de cinq ans de prison et 300.000 euros pour les deux dirigeants, et 1,5 million d'euros d'amende pour la société.
Sans oublier les poursuites pour "organisation illégale d'un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent au transport routier de personnes à titre onéreux". Cette fois-ci, la peine potentielle est de 2 ans d’emprisonnement et de 300.000 euros d’amende. Et l'Union nationale des taxis (UNT), l'une des parties civiles, demande plus de 30 millions d'euros de dommages et intérêts. Une menace assez sérieuse pour inciter Uber à suspendre son service UberPOP en juillet 2015, en attendant que la justice tranche.
Une décision qui pourrait faire jurisprudence. Au-delà de la dimension médiatique d’Uber, ce procès va être suivi avec attention car d’autres sociétés se sont engouffrées dans la brèche. Et risquent aussi une condamnation.
C’est le cas de la start-up française Heetch, qui propose aussi du transport effectué par des particuliers mais en prenant des précautions. Ainsi, il n’y a ni paiement, ni même participation au frais du conducteur : le client peut officiellement donner ce qu’il veut. De plus, Heetch est présenté comme un service de complément, et non comme un concurrent des taxis : il ne fonctionne que de 20 heures à 06 heures et limite les revenus des chauffeurs à 6.000 euros par an. Les esprits chagrins pourront néanmoins souligner qu’un passager qui ne paie pas sera mal noté dans l’application et ne trouvera plus de conducteur. Et qu’un conducteur peut ouvrir plusieurs comptes pour passer outre la limite des 6.000 euros de "participation" par an. Les deux dirigeants d'Heetch, qui ont rendez-vous le 22 juin au tribunal correctionnel de Paris, vont suivre le procès UberPOP avec attention.