Un test grandeur nature pour la SNCF. Pour la première fois, le géant ferroviaire français exporte ses trains chez un voisin européen : l'Espagne. Conséquence concrète de l'ouverture du secteur à la concurrence au sein de l'Union européenne, la SNCF va investir dans la ligne Madrid-Barcelone. Le projet est officiellement présenté ce vendredi, avec le lancement d'une rame inaugurale. Le premier trajet commercial aura lieu dès lundi. Et pour concurrencer l'opérateur historique espagnol, la RENFE, la SNCF mise sur une offre low-cost en proposant des trains Ouigo.
Avec cinq aller-retours quotidien entre les deux métropoles espagnoles, la compagnie française ne vient pas pour faire de la figuration sur cette "liaison reine". La SNCF a investi plus de 600 millions d'euros et propose 14 TGV à 2 étages vont circuler sur les rails espagnols. Objectif avec Ouigo Espagne : 10 millions de places chaque année et devenir un opérateur à part entière dans le paysage de la péninsule ibérique.
Une stratégie agressive par le prix
En mettant en service des trains à bas prix en Espagne, la SNCF opte pour une stratégie agressive, afin de faire la différence. Les billets seront accessibles à partir de 9 euros, pour un prix d'appel moyen autour de 25 euros. "C'est vraiment une stratégie d'attaque du marché espagnol par des prix low cost", décrypte Gilles Dansart, journaliste, rédacteur en chef du site Mobilettre et spécialiste du transport ferroviaire, sur Europe 1. "C'est une stratégie qui va complètement à l'encontre de ce qu'elle dénonce en permanence, c'est à dire le low cost de l'aérien ou même un certain nombre de tarifs sur les cars longue distance en France".
Et cette ouverture à la concurrence, une première dans un pays européen, sera un réel test pour l'opérateur français, à plusieurs niveaux. D'autant que, pour riposter, la RENFE a annoncé le lancement de ses propres trains low cost dès le 23 juin prochain. En 2022, ce sera au tour de l'opérateur italien de tenter l'installation : Trenitalia va envoyer des trains de sa filiale Ilsa sur le trajet Madrid- Barcelone mais aussi vers Valence et l'Andalousie. Des destinations identiques à celles ciblées par la SNCF pour enrichir son offre.
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"Aujourd'hui, il y a plus de kilomètres de lignes à grande vitesse en Espagne qu'en France. Mais le succès n'est pas forcément au rendez-vous. Donc là, c'est un test grandeur nature", analyse le journaliste spécialisé. "Il va y avoir 3 opérateurs sur cette liaison reine entre les deux grandes métropoles espagnoles. Donc, il faut voir comment ça se passe avant d'envisager éventuellement d'autres développements."
"C'est aussi un laboratoire de sortie de crise pandémique", ajoute Gilles Dansart. "Comment les gens vont réagir ? Est-ce qu'ils vont en profiter pour se déplacer plus ? Il y a plusieurs inconnues dans ce qui va se passer à partir de lundi prochain. Est-ce que les Espagnols vont aller sur les trains français parce que c'est moins cher ? Est ce qu'ils vont se déplacer à l'issue de la pandémie ou en tout cas en fin de pandémie, parce qu'ils en ont marre de rester chez eux ?", s'interroge-t-il.
Bientôt, une ouverture en France ?
Cette première ouverture pour un trajet 100% à l'étranger annonce également l'ouverture de la concurrence en France, où de nouveaux opérateurs peuvent s'implanter et concurrencer la SNCF sur son territoire historique. "C'est juridiquement tout à fait possible", rappelle le journaliste spécialisé. "A condition que des acteurs étrangers veuillent bien venir attaquer le marché français. Et il faut dire que la SNCF se défend très fortement puisque justement, il y a quelques années, en mettant en place une offre dite low cost, elle coupait un peu l'herbe sous le pied d'opérateurs qui seraient venus la concurrencer avec des tarifs très bas."
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Des contre-feux qui compliquent la tâche de concurrents éventuels mais ne les découragent pas, qu'ils soient français ou étrangers. "Il y a aujourd'hui des projets qui ne sont pas forcément étrangers, qui sont des montages français, et il va être intéressant de voir comment ils vont essayer de trouver des failles dans le dispositif de la SNCF", analyse Gilles Dansart.
Le premier exemple devrait se concrétiser sur l'axe rhodanien, Paris-Lyon-Marseille, avec la concurrence de l'opérateur italien. "On va voir comment ils s'y prennent. Mais il est probable que ce soit en France le premier essai d'une concurrence à la SNCF sur son territoire, qui sera moins massif que ce que fait la SNCF en Espagne", précise néanmoins le rédacteur en chef de Mobilettre.