La mission parlementaire chargée de réfléchir à l'avenir du "verrou de Bercy", qui encadre la poursuite pénale des fraudeurs, propose dans un rapport d'associer le parquet à l'administration fiscale pour "rendre plus transparente" la sélection des dossiers portés devant le juge.
Le "verrou de Bercy", donnant à l'administration fiscale le monopole des poursuites pénales en cas de fraude, "est devenu un symbole qui heurte le sentiment selon lequel la fraude fiscale constitue un problème pour toute la société, et non pour la seule administration", estiment les membres de la mission dans ce document. "Ce constat ne remet nullement en cause le professionnalisme" de l'administration mais rend "nécessaires" des évolutions, "pour répondre aux préoccupations exprimées", ajoutent les auteurs du rapport, piloté par la députée de la Meuse Émilie Cariou (LREM) et celui des Bouches-du-Rhône Éric Diard (LR).
Un système critiqué par les magistrats et certaines ONG. Actuellement, seul le fisc peut engager les poursuites pénales, sauf pour les cas de blanchiment de fraude fiscale. L'administration est toutefois tenue de suivre l'avis d'une autorité indépendante, la commission des infractions fiscales (CIF), composée de magistrats et de conseillers d'État. Ce système est défendu par l'administration au nom de l'efficacité, puisqu'il permet de faire pression sur les fraudeurs, prompts à accepter toute solution leur permettant d'éviter des poursuites pénales. Il est à l'inverse critiqué par les magistrats et par certaines ONG, qui lui reprochent son manque de transparence. "Conserver un système actuel dans lequel seule l'administration fiscale a la main sur les poursuites pénales ne paraît pas souhaitable. À l'inverse, la justice ne peut instruire seule les dossiers fiscaux qui nécessitent une grande technicité en matière de droit fiscal", estime pour sa part la mission parlementaire.
Examiner les dossiers au plus haut niveau de la CIF. Le rapport, qui doit être publié mercredi en fin de journée, reprend ainsi à son compte la proposition du gouvernement, consistant à inscrire dans la loi les critères de transmission des dossiers fiscaux les plus graves, qui feront l'objet d'enquêtes judiciaires. Mais les parlementaires vont plus loin, en proposant que l'examen des dossiers présélectionnés soit effectué non plus au niveau de la CIF mais dans le cadre d'un "système de coopération" associant les "pôles pénaux régionaux de l'administration fiscale" et les "parquets compétents".
Près d'un millier de dossiers de fraude fiscale chaque année. L'administration fiscale aurait alors "l'obligation de présenter au procureur localement compétent l'ensemble des dossiers issus d'un contrôle fiscal achevé" remplissant les critères inscrits dans la loi, soulignent les auteurs du rapport, qui recommandent "un examen au moins trimestriel des dossiers". Selon Bercy, près d'un millier de dossiers de fraude fiscale sont transmis chaque année à la CIF, sur les 4.000 dossiers portant sur une fraude importante (supérieure à 100.000 euros) repérés par l'administration. La commission saisit la justice dans près de 95% des cas.