C'est du jamais-vu au sommet du capitalisme français : Veolia et Suez, deux géants industriels tricolores, sont aujourd'hui en opposition frontale. En cause, l'OPA hostile déclenchée par Veolia pour prendre le contrôle de son premier concurrent, lui aussi mastodonte de la gestion de l'eau et des déchets. Alors que Suez conteste la validité de cette offre, à propos de laquelle Bruno Le Maire a fait part de son agacement sur Europe 1, Bertrand Camus, directeur général de Suez, était l'invité de Sonia Mabrouk, mardi matin.
"Beaucoup d'agressivité"
Pour le dirigeant de Suez, le projet de Suez est "inutile" et "destructeur". Inutile, car "on a aujourd'hui deux grands groupes leaders dans leur métier, avec une très forte présence en France et un fort développement à l'international, complètement au cœur des enjeux qui sont devant nous". Il serait également destructeur, "car ça a des impacts, notamment sur l'emploi, sur la concurrence".
Sur la forme, Bertrand Camus dénonce une opération "lancée depuis le début avec beaucoup d'agressivité". "Nous venons de vivre cette semaine une étape supplémentaire avec cette tentative de passage en force alors que les discussions ont commencé la semaine dernière", assure-t-il.
" Nous devons proposer à nos actionnaires un projet alternatif "
En attendant, Suez conteste donc la légalité de cette OPA. Saisi, le tribunal de commerce de Nanterre a ordonné à Veolia, tôt lundi matin, de suspendre le lancement de son OPA, dans l'attente d'un débat au fond sur ses précédents engagements d'amicalité. Mais dans le même temps, Veolia a formellement déposé lundi à 7 heures son offre auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF), affirmant n'avoir reçu avis de la décision de justice qu'à… 07h23.
"Trouver une solution par le haut"
Pour reprendre la main, Suez a fait appel à des investisseurs, à savoir deux fonds d'investissement : le Français Ardian et l'Américain Global Infrastructure Partners (GIP). "Nous devons proposer à nos actionnaires un projet alternatif", se défend Bertrand Camus, pour qui "l'État a son mot à dire" dans ce dossier très sensible.
"Je suis convaincu qu'il faut une solution", insiste le responsable. "C'est trop important de pouvoir conserver deux grands acteurs sur ces thèmes fondamentaux. Il faut arriver à dépasser ce que nous avons vécu ces derniers mois et être capables de s'asseoir ensemble et de trouver une solution par le haut." Des discussions doivent avoir lieu cette semaine avec la direction de Veolia. En attendant, Bertrand Camus refuse de dire que la fusion ne se fera pas.