A la tête de la Banque centrale européenne, "il faut savoir se taire ou parler seulement à bon escient"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Vous avez aimé la désignation de Christine Lagarde à la tête de la Banque Centrale européenne…
Oui, et celle d’Ursula Von der Leyen, la ministre allemande des Armées à la tête de la Commission européenne. Deux nominations (qui devraient être effectives à l’automne prochain) de deux femmes qui ont derrière elle une carrière hors du commun (pas du tout des seconds couteaux, comme l’a dit Yannick Jadot, le leader des Verts dont on se demande, en comparant son CV à celui de ces deux femmes dans quelle catégorie de la coutellerie il se classe lui-même).

Je vous rappelle d’ailleurs qu’on est passé à deux doigts de la catastrophe démocratique puisque dans un premier temps, les chefs d’Etat et de gouvernement avaient prévu de nommer à la tête de la Commission le hollandais Frans Timmermans, un social-démocrate. Alors que la droite est arrivée en tête des élections européennes. Heureusement, ce drôle de montage a fait flop, et on aura, à la tête de l’exécutif européen, une représentante de la droite européenne.
Et Christine Lagarde, elle est également de droite ?

Ce qui est sûr, c’est qu’elle a été ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, ce qui n’en fait pas une femme de gauche. Mais dans ces postes ministériels comme dans son parcours ensuite à la tête du FMI (oui elle est l’actuelle directrice générale du Fonds Monétaire international), elle n’a jamais eu de position dogmatique de droite. Ce n’est pas une ultra, ce n’est pas "un faucon", comme on dit des économistes orthodoxes qui veulent une application stricte des théories du marché.

Et donc, on dit qu’elle est plutôt… quoi ? Une "colombe" ?

Voilà, il y a effectivement les faucons, et les colombes. Et Christine Lagarde est, disons, plutôt "colombe".

Mais ce n’est pas une banquière centrale. Elle n’a jamais occupé de poste dans une institution de ce type.

C’est vrai, ni à la tête d’une banque commerciale. Mais elle n’avait jamais été ministre ni fait de politique avant de prendre son premier portefeuille. Elle n’avait jamais siégé au FMI avant d’en prendre la tête. Bon, avec cette expérience en poche, on peut dire qu’elle connaît l’économie et qu’elle devrait donc surmonter ce nouveau défi de la BCE !

Qu’est-ce qu’il faut comme qualité pour cela ?

Il faut savoir se taire ! Ou parler seulement à bon escient. Le banquier central, par sa seule parole, doit savoir en quelques mots donner au monde de la finance sa vision de l’économie. L’actuel président de la BCE l’avait fait en arrivant, en pleine crise de la zone euro. Il avait dit que les banques et l’euro seraient soutenus et sauvés "whatever it takes" ("quoi qu’il arrive")… Oui, et ce "quoi qu’il arrive" avait suffi pour que les marchés qui attaquaient le système monétaire européen aient peur de perdre tous les capitaux qu’ils avaient engagés dans cette bataille…

Se taire, donc, ou parler à bon escient…

… Ou parfois parler pour ne rien dire. L’un des banquiers centraux les plus célèbres, l’américain Alan Greenspan, avait eu cette drôle de phrase, en répondant à un parlementaire qui essayait de tirer des conclusions d’un de ses speeches :"Si vous avez compris ce que j’ai dit, c’est que je me suis mal exprimé…"

Prudence et subtilité, Christine Lagarde a eu le bon entrainement à la tête du FMI.