ADP : "PS et Républicains ont été, encore récemment, les fers de lance des privatisations"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, vous n’avez pas aimé le débat sur la privatisation d’ADP, Aéroports de Paris.

C’est ça, ou plus exactement, je n’ai pas aimé le tour très politique qu’a pris ce débat. Ce que je n’ai pas aimé, c’est l’utilisation politicienne de ce sujet, et la manière dont plusieurs partis politiques l’ont instrumentalisé pour s’opposer au gouvernement. Ces partis, ce sont le PS et Les Républicains.

Ceux que Bruno Le Maire appelle "un attelage de circonstance".

Exactement. Ce qui est bizarre, dans cette affaire, c’est que ces deux partis politiques ont été, encore récemment, les fers de lance des privatisations en France. Le PS les a pratiquées à jet continu, y compris sous le quinquennat Hollande qui a lui-même vendu une partie du capital d’Aéroports de Paris. Le PS détient d’ailleurs, avec Lionel Jospin, le record du plus gros montant de privatisations jamais réalisé.

Mais il y a mieux : le député socialiste qui est aujourd’hui le plus en pointe contre la privatisation d’un aéroport, c’est Boris Vallaud, le député des Landes qui était, tenez-vous bien, celui qui en tant que proche collaborateur d’Arnaud Montebourg puis de François Hollande, a conduit les privatisations des aéroports de Toulouse, Lyon, et Nice. Pas mal comme pirouette, non ? Quant aux Républicains, là, ce n’est pas compliqué, tous les candidats de ce parti à l’élection présidentielle, il y a deux ans, avaient inscrit dans leur programme des pans entiers de privatisations. Dont les aéroports, bien sûr.

Bon, mais on peut changer d’avis. Par exemple, on peut tirer les conséquences de la privatisation ratée de l’aéroport de Toulouse, ou de celle des autoroutes il y a 15 ans ?

Oui, naturellement. Mais pardon : ce qui a été raté dans l’affaire de l’aéroport de Toulouse, ce n’est pas la cession elle-même, ni son prix, c’est la suite, c’est-à-dire la manière dont les nouveaux actionnaires se sont comportés. On peut trouver qu’un acheteur a été un mauvais gestionnaire, on peut regretter (pour les autoroutes en particulier) que les tarifs et leur évolution n’aient pas été verrouillés. Mais ça, c’est la responsabilité du vendeur, de l’Etat. C’est lui qui choisit son acheteur, c’est lui qui a tous les moyens de peser sur l’exploitation future de l’entreprise.
C’est ce qu’on appelle le cahier des charges ?

Exactement : ce cahier des charges est le contrat par lequel le vendeur (l’Etat, le gouvernement) fixe les obligations de l’acheteur. Ça peut être un sujet de tarifs, une obligation d’investir, des contraintes d’ordre public et de sécurité, des obligations sociales, tout. L’Etat a (et peut garder) beaucoup de cartes en main, parce qu’il y a un contrat. Il est là, le mot important : le contrat.

En tout cas, ce débat sur la privatisation d’ADP a pris le gouvernement par surprise.

Il faut reconnaître que c’était assez imprévisible. Il faut juste espérer que ce débat ne s’étendra pas aux autres projets de privatisation. L’Etat est encore actionnaire de 1.500 entreprises. Tout cela est géré par une escouade de hauts-fonctionnaires, placés auprès de Bercy : on appelle ça l’Agence des participations de l’Etat. Un cas unique, et pour tout dire assez anachronique dans le club des pays développés.