Ce vendredi, Nicolas Beytout revient sur les chiffres du chômage : à la fin 2019 il a atteint son plus bas historique depuis 2008. Si le résultat est incontestablement bon au regard de ces dernières années, se pencher sur ce qu'il se passe chez nos voisins remet l'église au centre du village.
Retour avec vous sur la forte baisse, annoncée hier, du taux de chômage en France. Un phénomène assez mystérieux, dites-vous.
Oui, alors attention, ce qui est mystérieux, ce n’est pas la réalité de cette série de records des chiffres de l’emploi : meilleur taux de chômage depuis 11 ans, meilleure performance annuelle depuis 12 ans, meilleure série dans la création d’emploi sur 5 ans, meilleur résultat pour le chômage de longue durée depuis 10 ans, meilleur taux d’emploi des seniors (c’est-à-dire que jamais les seniors n’ont été aussi nombreux au travail), et du côté des jeunes, meilleure progression du nombre d’apprentis jamais enregistrée. Ça en fait des médailles.
Mais jusque-là, pas grand-chose de mystérieux
J’y viens. En fait il y a plusieurs mystères. Le premier est assez simple à résoudre : jamais, disent les économistes, on n’a créé autant d’emplois avec une croissance économique aussi faible (à peine plus de 1%). L’explication se trouve du côté des réformes économiques et sociales engagées depuis 5 ans (un peu sous François Hollande, beaucoup sous Emmanuel Macron).
Moins de charges sociales, moins d’impôts, moins de rigidités, ça se traduit lentement mais sûrement dans les statistiques de l’emploi. Facile. Mais attention, les autres énigmes sont plus coriaces.
Par exemple ?
Le fait que le gouvernement ne parvienne pas à engranger les bénéfices de ces bons chiffres. Il avait pris de plein fouet toutes les critiques sur les ordonnances sociales, toute la bourrasque sur la réforme de l’assurance-chômage, et puis bien sûr les grèves de décembre dernier, et maintenant qu’on peut constater les conséquences positives de ses choix, il n’arrive pas à les valoriser politiquement.
Il est comme englué dans le débat sur les retraites, incapable de dominer le malaise social, incapable de faire fructifier ces fameux chiffres dont pourtant plusieurs de ses prédécesseurs auraient rêvé. En fait, les Français n’impriment pas du tout, ils n’intègrent pas ces bons résultats. Un sondage Viavoice pour le Figaro a récemment révélé que 60% d’entre eux ne croyaient pas que l’action du gouvernement faisait baisser le chômage.
Peut-être que le déclic va se produire avec ces bonnes statistiques ?
Possible, mais à condition que la Conférence de financement des retraites ne vienne pas tout compromettre.
Comment ?
En relevant les cotisations sociales. C’est une des propositions des syndicats, qui préfèrent une hausse des charges des entreprises à un recul de l’âge de la retraite. C’est mon dernier mystère : comment ne pas voir que la baisse du coût du travail a permis de recréer de l’emploi ? Et comment comprendre que, dans la majorité aussi, on trouve des gens pour inverser cette politique ?
Parce que, s’il y a une chose qui n’est pas mystérieuse, c’est qu’avec notre taux de chômage à 8,1%, nous sommes loin de la moyenne européenne (6,2%) et des 3,2% des Allemands. Comme dirait Virginie Phulpin, notre éditorialiste sport, il y a un gouffre entre le championnat de France et le championnat d’Europe.