La chaîne LCP, sous couvert d'un statut particulier, n'a aucun compte à rendre au CSA. Elle a d'ailleurs diffusé le film Requiem for a dream, interdit aux moins de 16 ans, en prime et sans aucune signalétique.
Le fait média du jour, c’est le statut particulier de la chaîne LCP-Assemblée Nationale. La chaîne parlementaire, financée à 100% par l’argent public, est au-dessus des réglementations : elle n’est pas soumise au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Une situation surréaliste qu’on a découverte hier.
Tout est parti de la diffusion d’un film dimanche soir.
Si on s’intéresse ce matin à LCP, c’est parce que la chaîne parlementaire diffusait dimanche soir, en prime time à 20h30, le film Requiem for a dream, de Darren Aronofsky. Un film choc, bouleversant même, qui parle de l’addiction à la drogue. Harry, le personnage principal est accro à l’héroïne. Lors de sa sortie en salles, Requiem for a dream avait été interdit aux moins de 12 ans.
Hier matin, dans cette émission, Thomas Joubert repérait ce qui ressemble à une double anomalie :
La première : dimanche soir, nous étions encore en période de vacances scolaires, ce qui ajoute une contrainte supplémentaire pour les chaînes soumises à des règles strictes. Elles ont interdiction de diffuser des programmes interdits aux moins de 12 ans en prime-time à ces périodes de l’année. Deuxième anomalie : aucune signalétique n’accompagnait le film pour prévenir le public de cette classification. Rappelons que là encore, les chaînes ont obligation de mettre au parfum leurs téléspectateurs d’un tel classement. En diffusant Requiem for a dream dimanche soir, en prime-time, et sans aucun avertissement, LCP se retrouvait donc hors des clous, pas une seule fois, mais bien deux fois !
Sauf qu’hier, on apprenait que LCP n’était pas soumise aux même règles que les autres chaînes de la TNT.
Malgré cette double-faute, La Chaîne parlementaire ne se retrouve pas pour autant dans l’illégalité. Ça mérite une petite explication. Il faut se pencher sur les statuts de LCP pour comprendre qu’elle n’est pas du tout à égalité avec les autres chaînes hertziennes ou de la TNT. En effet, la chaîne parlementaire n’est soumise à aucune autorité de régulation indépendante. En dehors des périodes électorales, notamment en terme d’équilibre des temps de parole, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel n’a donc aucune compétence sur les programmes qu’elle diffuse.
La seule instance à avoir autorité sur sa programmation, c’est son conseil d’administration : à sa tête, on retrouve le président de l’Assemblée Nationale, Claude Bartolone. Il en va de même pour la sœur jumelle de LCP, Public Sénat, qui, elle aussi, est réglementée par un conseil d’administration qui lui est propre. Alors, ça ne l’affranchit pas de tout, bien sûr, et notamment du bon sens. Surtout de la part d’une chaîne qui a une mission de service public et qui a pour vocation la formation des citoyens à la vie civique.
Hier, la chaîne répondait au Figaro par la voix d’Eric Moniot, son directeur des programmes, sur cette diffusion de Requiem for a dream, elle plaide la bonne foi. Pour elle, le film avait pour objet d’ouvrir le débat. C’est ce qui s’est produit dimanche soir puisqu’un addictologue intervenait ensuite en plateau. En revanche, LCP confesse toutefois une erreur, celle de ne pas avoir diffusé un avertissement aux téléspectateurs.
En tout cas, ce matin, cet épisode nous donne l’occasion de s’intéresser à un cas à part dans le paysage audiovisuel. De comprendre pourquoi et comment une chaîne, accessible via la TNT, peut s’affranchir des règles les plus élémentaires de diffusion.
LCP n’est pas la seule chaîne à ne pas être soumise aux même règles que les autres.
Une autre chaîne s’affranchit du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel : c’est la chaîne franco-allemande Arte qui, elle aussi, est sous le seul contrôle de son conseil d’administration. Elle échappe donc totalement au contrôle du CSA. Des situations franchement surprenantes pour des chaînes qui sont considérées comme des chaînes françaises. Surtout pour LCP dont le budget annuel, qui avoisine les 17 millions d’euros, provient intégralement de l’argent public.
Ce matin, en interne, certains reconnaissent qu’il y a un peu de mauvaise foi dans la ligne de défense de La chaîne parlementaire sur l’affaire Requiem for a dream. On nous indique que, par défaut et de manière tacite, les équipes s’astreignent aux règles du CSA, même si ça ne fait pas partie de ses statuts. Une source nous parle même d’une grosse "boulette" ou d’une faute d’inattention.
C’est donc bel et bien un faux-pas auquel nous avons assisté dimanche soir. Un faux-pas qui pourrait se produire de nouveau. Selon les grilles communiquées il y a quelques jours, LCP a prévu de rediffuser Requiem for a dream, le dimanche 20 mars prochain en pleine journée, à 14 heures cette fois.