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ÉDITO - "Emmanuel Macron donne du crédit à ceux qui l’accusent d’avoir été un président déconnecté"

La Carte blanche de Catherine Nay
27 avril 2019 Épisode · Politique
Description de l'épisode

Ce samedi, Hélène Jouan décrypte la première conférence de presse d'Emmanuel Macron.


Jeudi, Emmanuel Macron tenait sa première conférence de presse pour dire quelles réponses il comptait apporter au grand débat et à la crise des "gilets jaunes". Vous assistiez à cet échange Hélène Jouan : à votre avis, qu’est-ce que le président a appris de cette longue crise qui dure depuis l’automne ?

Il était 18 heures passées de quelques minutes dans cette salle de fête rénovée de l’Élysée, Emmanuel Macron venait tout juste d’entamer son propos liminaire pour remettre en perspective la crise et énumérer en "on" ses solutions, qu’on avait déjà en "off" depuis dix jours, quand il prononça ses mots : "J’ai moi-même beaucoup appris sur notre pays, sur la fonction qui est également la mienne".

Entendu sur europe1 :
"Il a découvert les familles monoparentales ? Tellement qu’il leur propose pour améliorer leur vie de mettre en place un dispositif qui existe déjà !" 

Tout était dit, il aurait pu s’arrêter là ! Il a beaucoup appris sur son pays ! Questionné de façon répétitive par des journalistes visiblement passionnés par la mise sur le divan de notre président sur le mode : "Mais comment avez-vous vécu tout cela ?", il ajouta : "J’ai été touché par l’épaisseur des vies des Français, j’ai compris dans ma chair ce qu’ils vivaient". Et c’est parfois avec une naïveté confondante qu’il nous a livré les enseignements de cet apprentissage : "On a découvert ce qu’on appelle aujourd’hui les familles monoparentales". Mais on aurait dû lui présenter des amies !

Il a découvert les familles monoparentales ? Soit plus d’une famille sur cinq en France aujourd’hui ! Tellement découvert d’ailleurs, qu’il leur propose pour améliorer leur vie de mettre en place un dispositif qui existe déjà ! Il date du quinquennat précédent et permet à un organisme public de recouvrer les impayés de pension alimentaire de ces femmes isolées. Six mois de crise donc pour découvrir "ces vies blessées" comme il dit, pour entendre, enfin, la juste colère des petits retraités.

C’est bien que le président dise qu’il a entendu le message du pays, non ? 

Mais c’est surtout l’aveu qu’il ne le connaissait pas avant ! Et en l’écoutant jeudi, on s’est souvenu tout à coup d’où venait ce président. Emmanuel Macron avouait se vivre l’an dernier, comme le "fruit, disait-il, d’une forme de brutalité de l’histoire, d’une effraction, parce que la France était malheureuse et inquiète." Il a analysé "le malheur, l’angoisse et la misère" comme causes de son élection, mais il ne l’avait pas éprouvé dans la chair des citoyennes et citoyens de ce pays. Effraction : il a fait irruption dans le paysage politique, sans avoir rien en commun avec ses prédécesseurs. Jusqu’à lui, il fallait avoir subi défaites politiques, et même militaires parfois, revers et traversées du désert pour espérer l’ultime victoire.

Il fallait avoir écumé pendant des années les fêtes de la Rose dans le plus petit des cantons, arpenté les fédérations RPR et partagé le coup de rouge et le saucisson avec les militants, il fallait avoir dirigé une ville ou un département pour être à portée "d’engueulades ou de baffes" des électeurs, mais surtout à portée de leur petits et gros tracas quotidiens : les fins de mois difficiles, le logement trop cher ou trop petit, le mari qui est parti, le gamin qui ne trouve pas de boulot, la voiture qu’on n’arrive pas à changer faute de moyens. C’était ça un président avant sous la Cinquième.

Entendu sur europe1 :
"En l’écoutant jeudi, on s’est souvenu tout à coup d’où venait ce président"

Un président pas forcément d’un milieu différent d’Emmanuel Macron, non, mais un élu ou dirigeant politique qui avait vécu, sillonné le pays, croisé des Français qui ne lui ressemblaient pas, ni à lui ni à ses amis. D’ailleurs, il l’a reconnu jeudi dans une boutade quand on le questionnait sur 2022, "Je me fiche de la prochaine élection, a-t-il assuré, ce n’est pas mon sujet, comme il y a cinq ans, ce n’était pas mon sujet". C’est dire s’il ne s’était préparé ni à l’immersion dans le pays, ni à sa fonction.

Alors maintenant qu’il a appris, a-t-il changé ?

En faisant cet acte de contrition sincère (pourquoi en douter ?), Emmanuel Macron donne d’abord curieusement du crédit à ceux qui l’accusent d’avoir été un président déconnecté, président des "élites" ne connaissant rien au peuple. Mais il nous dit au moins qu’il a changé, qu’il a appris ; il corrige à la marge ce qu’il assume comme erreur, la ré-indexation des petites retraites par exemple, il "remet de l’humain" dans son projet comme il dit, en augmentant le minimum vieillesse ou en apportant une bouffée d’oxygène fiscale aux classes moyennes.

Entendu sur europe1 :
"Il ne s’était préparé ni à l’immersion dans le pays, ni à sa fonction"

Mais il ne change rien sur le fond, car "les résultats sont là" affirme-t-il, "le cap est le bon". On entendra néanmoins la suppression de l’ENA, symbole de ces élites déconnectées, et l’attention ostensible qu’il porte désormais aux peurs des Français, sur l’immigration ou l’Islam politique (évacuons les arrière-pensées électoralistes), comme des marques de cette connaissance nouvellement acquise. Félicitons-nous de cet apprentissage accéléré, vive la crise ! On a désormais un président qui dit connaitre son pays.

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