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SAISON 2018 - 2019, modifié à

Ce samedi, Jean-Christophe Buisson du Figaro Magazine livre son édito politique.

Non seulement il n’y a plus de saisons, mais il n’y a plus de traditions !

Qu’est devenue par exemple la trêve des confiseurs, qui consistait depuis 1875, en France, à respecter, entre Noël et le jour de l’An, une sorte de paix des braves en politique, sur les marchés boursiers ou sur les terrains de sport ? A lire, par exemple, depuis quatre jours, les tweets sexistes du député franco-kosovar Joachim Son-Forget à l’encontre de la sénatrice écologiste Esther Benbassa, ou ceux dans lesquels il attaque ses propres collègues de La République en marche qui l’ont critiqué en posant avec une peluche de blaireau, on se le demande vraiment.

Pas de trêve du côté des politiques, mais du côté des "gilets jaunes" ?

Il doit se trouver bien peu d’artisans-pâtissiers pour piétiner avec tant de hargne cette trêve des confiseurs. Ce samedi, ils annoncent de nouvelles mobilisations dans plusieurs grandes villes pour notamment "assiéger les médias" - ces médias qui ont pourtant tant fait pour leur succès… Jeudi soir, certains ont carrément essayé d’attaquer le fort de Brégançon. Bon, apparemment, personne ne les avait prévenus qu’ils s‘agit de la résidence d’été et non d’hiver du président de la République et ils n’étaient que quarante mais cela en dit long sur leur refus de toute pause dans leur combat.

Un combat populaire originellement clairement antifiscal mais qui prend des contours de plus en plus flous, et c’est peut-être là la chance politique d’Emmanuel Macron. Qui peut penser en effet que cette coalition hétéroclite où l’on croise des fans de Dieudonné, Florian Philippot, des militants anti-immigrationnistes, le mauvais chanteur Francis Lalanne, le mauvais écrivain Alexandre Jardin, le mauvais homme d’affaires Bernard Tapie, des abonnés fidèles aux luttes sociales d’extrême-gauche et des responsables de la France insoumise ne va pas finir par imploser ? Qui peut croire que le coût économique de ce mouvement et les entraves à la liberté de circuler ou de travailler qu’il provoque parfois ne vont pas finir par susciter, y compris chez les Français qui lui ont longtemps été favorables, de l’exaspération, voire de la colère ? Et que dire de cette accumulation quotidienne de nouvelles revendications catégorielles parfois contradictoires ? Là encore, la tradition politique qui a toujours voulu qu’on ne mène pas trois combats en même temps mais l’un après l’autre semble bien révolue.

Autre tradition qui a volé en éclats cette semaine : celle de la parole donnée.

Prenez Alexandre Benalla. Quand a éclaté l’affaire qui allait éclabousser durablement la présidence de la République, il venait de recevoir deux passeports diplomatiques de l’Élysée. Suite à son éviction, le Quai d’Orsay lui avait demandé de les restituer ou à tout le moins de ne pas en faire usage. Or, on découvre via Médiapart que non seulement il les a conservés, bien qu’il ait prétendu devant une commission d’enquête du Sénat qu’ils étaient restés sur son bureau de l’Élysée, mais qu’il s’en est joyeusement servi cet automne pour voyager en Israël et dans des pays africains, dont le Tchad, où il a failli croiser son ancien patron, d’ailleurs. Et le quai d’Orsay, via sa porte-parole Agnès von der Mühll, de le déplorer dans un communiqué qui prêterait à sourire si l’heure n’était grave : "Toute utilisation depuis son licenciement de ces passeports aurait été faite en dépit des engagements pris par l'intéressé".

Mais de qui se moque-t-on ? Comment autant de légèreté ou d’incompétence ne peut-elle pas prêter le flanc aux rumeurs les plus folles et aux soupçons de mystérieux complot visant à cacher la nature des liens entre Emmanuel Macron et Alexandre Benalla ? Vous me direz, le complotisme, voilà au moins une tradition qui ne disparaît pas, elle. Certes, mais ce n’est pas ma préférée, surtout en politique.