Fraude fiscale : le chiffre de 60 voir de 80 milliards avancé par les ONG est-il vérifié ?

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Gérald Darmanin affirme que le chiffre de 60 voir de 80 milliards avancé par les ONG n’est pas vérifié concernant la fraude fiscale.

Vrai-Faux : Le gouvernement veut lutter contre la fraude fiscale.

Le ministre de l’Action et des comptes publics le promet : la fraude sera mieux détectée, mieux sanctionnée, notamment grâce à la création d’une police fiscale. L’État n’a récupéré que 12 milliards d’euros l’an dernier, sur les 60 à 80 que représenteraient la fraude au total. Un chiffre que Gérald Darmanin pense surévalué.

"Le chiffre de 60 voir de 80 milliards avancé par les ONG n’est pas vérifié."

Le chiffre de 60 à 80 milliards n’est pas vérifié. Vrai ou faux ?

C’est vrai. Il s’agit d’une estimation, réalisée en 2012, puis actualisée par un syndicat de Bercy, Solidaires Finances Publiques. Il a tenté de faire le clair dans la multitude de chiffres qui circulent, et qui ne mesurent pas tous la mêmes choses. Certaines ONG parlent de 1000 milliards de pertes à cause de la fraude en Europe, mais elles comptent tout… De l’argent du trafic de drogue, au travail au noir. D’autres évaluent seulement les pertes de TVA… En France, on n’avait pas de vision globale. Le syndicat s'y est donc attelé, en agrégeant plusieurs données. Aucune n’est vérifiée, mais c’est normal : par définition, il est difficile de compter ce qui est caché.

Pour évaluer l’ensemble des pertes, ils ont donc extrapolé à partir du nombre de redressements opérés par le fisc. Quelles sommes seraient recouvrées si toutes les entreprises et particuliers étaient contrôlés ? La fraude fiscale classique ferait perdre à l’État, selon eux, 25 à 30 milliards chaque année. S’y ajoutent la fraude aux cotisations sociales, que la cour des Comptes estime à 20 milliards, la fraude à la TVA (au moins 14 milliards d’après la Commission Européenne), et puis celle aux « prix de transferts », une technique que les grandes entreprises utilisent pour transférer des biens à travers leurs filiales dans différents pays (20 à 30 milliards). Le total atteint 80, auxquels il faut encore ajouter les montants qui échappent au fisc grâce aux techniques d'optimisation fiscale, souvent légales, mais contestées (40 à 60 milliards, selon l’estimation établie par un rapport de l'assemblée nationale). En clair : on aurait largement de quoi combler le déficit public, si tout était recouvré.

Gérald Darmanin conteste ce chiffre ?

Il le pense surévalué. D’autres pays, d'ailleurs, qui ont mis en place des outils officiels pour mesurer la fraude, arrivent à des montants moins élevés : 40 milliards en Grande-Bretagne, par exemple.

En fait, on a peu de moyen de le savoir. C'est vrai qu'un indicateur officiel serait utile, pour évaluer l'efficacité de la lutte dans le temps. Mais minimiser l’ampleur des fraudes est aussi une façon de revoir ses ambitions à la baisse, expliquent plusieurs spécialistes, qui se posent quand même des questions.

Si le plan paraît séduisant (30 inspecteurs vont être formés pour traquer la grande fraude), ils remarquent également que les effectifs de contrôleurs fiscaux ne cessent de baisser. Or dans le même temps, les montages sont devenus plus complexes, et le nombre d’entreprises a nettement augmenté. Aujourd’hui… moins d’1% des entreprises soumises à la TVA sont contrôlées chaque année, et un tout petit nombre de dossiers (moins d'un millier) débouchent sur une plainte pour fraude fiscale... on verra si cela peut changer.