Tous les matins, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son “Voyage en absurdie”, du lundi au jeudi.
Depuis le début de la riposte de l’Etat hébreux contre les terroristes du Hamas, on a vu fleurir, sur les réseaux sociaux, des appels au boycott de grandes entreprises pour leur attitude à l’égard d’Israël. Ces campagnes portent un nom : BDS. Qu’est ce que c’est?
BDS Pour Boycott, Désinvestissement, Sanctions. C’est un mouvement mondial, organisé par un collectif d'ONG favorables à la cause palestinienne. Pas nouveau : il date de la deuxième intifada, en 2005, mais il retrouve de la vigueur ces dernières semaines. Le but, exercer une pression économique sur Israël, sur des acteurs économiques importants, pour obtenir la fin de l’occupation et de la colonisation de territoires palestiniens, l'égalité des citoyens arabes d'Israël et le droit au retour des réfugiés palestiniens.
Comment ça se manifeste ?
De différentes manières : par des appels lancés au public pour le boycott de grandes marques apportant un soutien réel ou supposé à l’Etat hébreux. MacDonalds est visé parce qu’un de ses franchisés israéliens a livré des repas à des soldats de Tsahal. En France, en ce moment, dans le collimateur, il y a Carrefour. Un de ses franchisés, encore, a fait don de colis de denrées à l'armée. Ca peut aussi être des appels au boycott de produits israéliens sur les étals occidentaux ou de manifestations culturelles israéliennes.
Parfois, la pression est mise sur les entreprises, pour qu’elles cessent d’investir en Israël. Nike a été visé jusqu’à ce qu’il cesse d’y vendre ses articles. Parfois, ce sont les Etats ou les organisations qui sont sommés de cesser leurs échanges commerciaux avec Israël,. La Fifa, par exemple, est appelée à exclure l'équipe nationale des compétitions
C’est efficace ?
Plus ou moins. Plutôt moins si le but est d’assécher économiquement Israël... Plutôt plus s’il s’agit de créer du buzz nuisible aux affaires. Le problème n’est souvent pas tant économique que réputationnel pour les grandes entreprises clouées au pilori. D’autant que c’est assez grossier et pas subtil. Souvent, ce sont les têtes qui dépassent qui prennent, trouver des boucs émissaires avec des noms qui claquent, recette de base de la cuisine anticapitaliste.
Il arrive que des marques cèdent ?
Oui. La société Sodastream, par exemple, ciblée par une intense campagne aux Etats Unis dans les années 2010. Elle était accusée de profiter de l’Occupation en Cisjordanie, car elle y faisait tourner une usine. C’est allé loin, jusqu’au harcèlement de l’égérie de la marque Scarlett Johanson. En 2014 Sodastream a fermé l’usine sous la pression.
Et en France, est-ce que cela prend ?
Le cas de la France est particulier. Depuis la création de la branche française du mouvement BDS, en 2010, les autorités s’en sont inquiétées. Elles ont tenté de l’interdire, mettant en avant les troubles à l’ordre public et les appels mal masqués à la haine et à la violence. Depuis lors, il y a une intense bataille juridique autour la légalité ou pas du BDS. La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme, en 2020 elle a persisté. L’affaire est toujours en train de rebondir, à coups d'appels et de contre appels. Ce qu’il faut retenir, c’est que la frontière est fine entre la liberté d’exprimer une opposition politique économique et l’appel à la haine antisémite. BDS oscille invariablement sur cette ligne de crête.