Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Les résultats d’un sondage vous a laissée perplexe. Celui consacré par l’institut Harris interactive à l’alimentation quotidienne des Français.
Un sondage large, qui s’intéresse à toutes les habitudes, à la préparation des repas, aux liens perçus entre santé et alimentation. Les résultats ont été dévoilés hier par Olivia Grégoire, la ministre du Commerce, qui veut s’attaquer à la malbouffe. Il y a du boulot.
Un point a fait l’objet de commentaires : l’enquête révèle qu’un jeune de 15-24 ans sur cinq ne sait pas reconnaître une courgette.18% pensent que c’est un concombre, 2 % que c’est une aubergine. 12% des jeunes ne distinguent pas un pamplemousse d’une orange.
On pourrait rire de l’ignorance, mais ce serait passer à côté du sujet.
Si ces jeunes ne reconnaissent pas ou mal ces légumes, c’est parce qu'ils ne voient pas leur famille les acheter et les cuisiner. Seules 46% des familles cuisinent tous les jours ou presque. Les autres, plus de la moitié, non. Or, on append en observant! Résultat : moins d’un tiers des jeunes adultes cuisine au quotidien. Les enseignements se perdent.
Les évolutions de sa société expliquent cette déperdition.
Les spécialistes de la nutrition soulignent le fait que dans les foyers monoparentaux, cuisiner, c’est souvent ingérable : le sociologue de l’alimentation Eric Birlouez l’explique: « C’est plus facile, pour un couple, pour un cadre en télétravail, de cuisiner des produits frais plutôt que des produits transformés. Mais ces plats tout prêts simplifient la vie des familles monoparentales, moins fortunées, avec des journées longues. » En 15 ans, la part de ces familles a doublé dans la société, 85% sont constitués de femmes.
Et cela a des conséquences sanitaires, qui frappent les plus modestes.
Oui, parce que quand on ne cuisine pas, on se nourrit de plats transformés, de fast food, c’est ce que monte l’étude. Autant dire que les 400 grammes de fruits et légumes par jour recommandés passent à l’as. Remplacés par du trop gras, trop salé, trop sucré.
Les maladies du métabolisme , obésité, diabète, maladies cardiovasculaire explosent. Les chiffres de Santé publique France montrent qu’elles elles frappent bien plus les milieux modestes, dès l’enfance. A 10 ans, les enfants des classes populaires ont deux fois plus de risque de surpoids que les enfants de cadres.
Derrière l’affaire de la courgette masquée, un sujet réel de justice sociale.
Oui. L’Etat devrait souvent se mêler plus de ce qui le regarde. Mais clairement, l’éducation alimentaire fait partie de ces sujets. Là aussi, il faut simplifier les messages. On a emberlificoté l’esprit des Français avec trop d’injonctions à base d’amap, circuit court, bio, local et de saison, petits producteurs, bilans carbone comparés et légumes oubliés.
Des messages qui ne s’adressent qu’à ceux qui ont le temps et les moyens et qui, en fait, alimentent la fracture alimentaire. Il faut reprendre la base. Bios, pas bios, frais, en conserve, surgelés : peu importe. Faites simple. Cuisinez des légumes bruts pour votre santé et votre budget. Et si l’école a un rôle, c’est celui qu’elle avait jadis : pas la morale alimentaire, mais la leçon de chose et de l’économie domestique.