Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Ce mardi, une proposition de loi soutenue par le gouvernement sera débattue au Sénat. Elle promet de revenir sur certaines obligations liées au diagnostic de performance énergétique des logements anciens, le fameux DPE. Il y a eu urgence. Les effets pervers de ce dispositif n'en finissent pas de se manifester
Le DPE, c'est ce diagnostic créé en 2006 qui classe les logements de A à G selon leurs consommations et leur isolation, et qui était supposé inciter les propriétaires de passoires thermiques à les rénover avant de les louer. Ses conditions se resserrent. Depuis le 1er janvier, il n'est plus possible de louer les logements classés G et dans trois ans, ce seront les logements classés F. Idée vertueuse sur le papier... Mais comme le raconte ma consoeur de l'Opinion, Sandra Mathorel, ça ne marche pas comme c'était supposé marcher.
Loin d'inciter les propriétaires à faire les travaux, ça les incite surtout à se débarrasser de leurs biens. Et ça aggrave la crise du logement
Les notaires du grand Paris, aux premières loges des transactions constatent qu'au fur et à mesure du resserrement des contraintes du DPE, de nombreux propriétaires de passoires énergétiques préfèrent revendre leur bien, plutôt que de faire des travaux coûteux et fastidieux. Plusieurs milliers de biens pourraient ainsi sortir du marché locatif en île de France. Entre 2014 et 2024, la part des biens classés G dans les transactions a doublé, autant pour les appartements que pour les maisons en région parisienne. 9% des appartements et 12% des maisons de la région à vendre sont classées G à l'heure actuelle. A Paris même, un tiers des bien vendus l'an passé a un mauvais diagnostic énergétique.
Comment ça s'explique ?
Les propriétaires se rendent compte soit que les travaux sur les biens loués vont leur coûter une fortune qu'ils ne rentabiliseront pas. Ou alors, que même en faisant les travaux, ça ne changera pas le classement du logement, surtout si la copropriété refuse de faire des travaux sur la structure, sur le bâti ancien. Et ils risquent de voir leurs locataires les attaquer en justice ! Ou alors, c'est trop compliqué de trouver des artisans et de coordonner des travaux qui touchent plusieurs domaines, fenêtres, combles, façade, système de chauffage etc. Résultat, ils jettent l'éponge et vendent et même les incitations fiscales n'y changent rien. Et plus les propriétaires sont âgés, plus ca se produit souvent. Trop de réglementation tue le projet.
La bonne intention initiale se révèle désastreuse dans les faits
Oui... Le DPE était supposé améliorer le confort des locataires et à faire baisser leurs factures, en forçant les propriétaires à faire des travaux d'isolation. Le résultat, ca va être un retrait massif des biens à louer du marché. La Fnaim craint une sortie du marché locatif de 600 000 logements en France. A un moment de crise aigüe de l'immobilier, le DPE va aggraver les tensions sur le marché. Encore un dispositif qui n'a fait l'objet d'aucune évaluation sérieuse et pour lequel les alertes des professionnels ont été négligées.
La proposition de loi débattue demain mardi au Sénat peut elle atténuer le danger ?
Il y a eu une première tentative pour assouplir les obligations du DPE, à l’Assemblée nationale en janvier. Sans succès. Au Sénat, cette fois, on va discuter d'un autre assouplissement. Si un bailleur a fait tous les travaux nécessaires et techniquement possibles sur sont bien, il ne pourra pas être tenu responsable par le locataire et par la justice d'un diagnostic qui ne se serait pas amélioré. Ca résoudrait le cas des biens rénovés mais toujours mal notés en raison d’un refus de la copropriété de faire des travaux d’ampleur. Mais ça ne résout certainement pas le grand découragement des propriétaires face à l'ampleur et à la difficulté des travaux, ce qui les pousse massivement à vendre.