Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Dans l’Aube, du côté de Chaource, un mouvement se constitue pour sauver Rillette. Ce n’est pas banal, parce que Rillette est un jeune sanglier domestique.
Une marche blanche aura lieu le samedi 11 janvier, après une pétition qui a collecté plus de 170 000 signatures pour éviter un sort funeste à Rillette, c’est à dire l’euthanasie. Il faut dire que Rillette qui n’est pas n’importe quel suidé, mais un sanglier de compagnie. Une laie recueillie alors qu’elle était encore marcassin, en avril 2023, par la propriétaire d’un centre équestre qui l’avait trouvée attachée dans un dépôt d’ordures. Depuis, Rillette se comporte comme un gentil chien, suivant sa maîtresse dans ses tâches quotidiennes.
Qui en veut donc à Rillette ?
Les services de l’Etat ! Sur le fond, ils appliquent la loi... Détenir un animal sauvage, quand on est un particulier, c’est interdit par le code de l’environnement. On risque 3 ans d’emprisonnement, 150 000 euros d’amende et la confiscation de l’animal. Ca a l’air sévère, mais cela part d’un constat juste : les petits animaux sauvages qu’on croit souvent abandonnés ne le sont pas la plupart du temps, et il ne faut pas les toucher, les ramener chez soi, car on les met en danger. On compromet leur bien-être et leur survie. Et puis il y a aussi des raisons sanitaires : éviter la propagation des maladies, comme la tuberculose, dont le sanglier est un réservoir. Si jamais il faut s’occuper d’un de ces animaux, c’est à un centre spécialisé de le faire.
Mais le paradoxe, c’est que c’est en voulant se mettre en règle avec la préfecture et obtenir une autorisation que la propriétaire de Rillette s’est retrouvée dans un engrenage infernal.
Les services de l’Etat ont refusé de lui donner l’autorisation de la garder et exigé l’euthanasie de Rillette... Là encore, c’est la loi. Pour obtenir l’autorisation d’être un établissement accueillant de la faune sauvage, il faut que l’origine des animaux soit licite et tracée... Et ce n’est pas le cas de Rillette.
Devant la bronca, la mobilisation d’association de protection des animaux, émus du sort de Rillette, les services de l’Etat tentent de trouver une alternative.
Ils ont d’abord suggéré que Rillette aille rejoindre Toto, un autre sanglier à l’histoire similaire, dans un enclos des Ardennes. La propriétaire de Rillette ne veut pas se séparer de lui. Dernier rebondissement en date, en décembre, le parquet de Troyes enjoint la propriétaire de Rillette à transférer la laie dans un élevage spécialisé dans le dressage pour le cinéma, dans le Loiret. La propriétaire n’est pas d’accord. Elle ne veut pas que sa laie soit utilisée à des fins mercantiles. Telle une irréductible gauloise, elle résiste, pour son sanglier.
Quelle issue pour Rillette ? Ce sanglier ne va quand même pas finir en terrine.
Les avocats de 30 millions d’amis estiment que des compromis juridiques peuvent être encore trouvés, avec l’assurance que Rillette reste bien dans un enclos sécurisé. On ne sait pas ce qui se passera. Alors, oui, la loi est faite pour être respectée. Non, il ne faut pas encourager les particuliers à adopter chacun leur Rillette. Mais la justice française, engorgée de toutes parts, avec ses délais délirants, son manque de moyens, son incapacité à fournir des réponses pénales convaincantes à de vrais et graves problèmes de délinquance a peut-être autre chose à faire que de consacrer autant de temps et d’énergie à une laie qui ne cause de tort à personne.