Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Il y a une un peu plus d’une heure, à 7h30, Le train de nuit Paris-Aurillac, parti hier soir de la gare d’Austerlitz arrivait à son terminus. Un petit événement.
Cette liaison nocturne, qui relie Paris au Cantal en 12 heures, avec des voitures couchettes, avait été supprimée en 2003. Disparue, comme la plupart des trains de nuit en France. La voilà remise sur les rails. Ce soir, c’est une autre ligne de nuit qui va rouvrir : Paris-Berlin.
La relance de ces trains nocturnes a été décidée en 2021, il ne restait alors plus que deux lignes en France : Paris-Rodez/Latour-de-Carol/Cerbère et Paris-Briançon - et encore pas toute l’année. Il y en a désormais une dizaine pour le territoire national.
Ces trains de nuit sont dans l’air du temps.
Ils ont des avantages, c’est vrai, même si on est assez loin de l’Orient express. Ils sont lents mais abordables, le bilan carbone est excellent. Ils sont aussi un bon moyen de désenclaver des régions mal desservies et qui n’ont pas accès au TGV ou à l’avion – Typiquement le Cantal. Ils sont souvent une alternative peu chère à la voiture. Pour reprendre un slogan de 1975 de la SNCF, pendant les folles années du train couchette : pour voyager heureux, voyagez couchés.
Mais ces trains coûtent une fortune.
Oui , c’est le revers de la médaille. Pour un euro dépensé en argent public sur les lignes qui ont survécu, comme Paris Briançon, il y a deux euros de charges. Ça se comprend, que ce ne soit pas rentable : une couchette dans un train de nuit, c’est deux fois plus d’espace que dans un train normal on ne peut la vendre au mieux qu’une fois par jour, contre quatre fois pour un siège de TGV. Tout ça, pour des frais fixes, entretien de la voie, sillon, personnel, qui sont les mêmes que sur un train classique. Le prix d’une place pour le voyageur n’est pas très élevé, entre 19 et 39 euros pour le Paris-Aurillac... C'est loin de couvrir les coûts, qui eux, sont énormes, car répartis sur très peu de places
On peut faire mieux ?
Oui. Mais ça suppose un choc de l’offre, comme on dit. Plus de service, plus de marketing. Mais aussi des fréquences plus régulières pour susciter l’habitude, et tout un réseau cohérent. Pour l’instant, le Paris-Aurillac, c’est les week-ends et les vacances scolaires. Insuffisant. Il est question qu’il devienne quotidien en 2024.
En gros : il faut trouver un équilibre entre le taux de remplissage des trains, c’est à dire ne pas les faire rouler quasiment vides, et l’amortissement maximal du matériel, en allant plus loin, en lui faisant faire plus de rotations, en mutualisant la maintenance de lignes plus nombreuses.
Sacré défi.
À moins que l’État, qui a la gestion de ces trains d’équilibre du territoire, contrairement aux TGV, ne les considère comme un service public et les traite comme tel, en s’engageant à compenser auprès de la SNCF leur déficit inévitable. C’est un choix. Il se défend, mais il faut le faire en connaissance de cause.