Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Le chanteur Gims a donné le 22 mars une interview à une chaîne YouTube "Oui Hustle", qui s’est fait une spécialité d’interviewer des personnes plus ou moins connues. Et c’est un festival de n’importe quoi. Sans aucune contradiction.
Au début, ça a l’air tellement énorme que cela prête presque à rire. On a d’abord droit à une révision complète de l’Histoire de l’Egypte ancienne. «À l'époque de l'empire de Koush ( un royaume nubien très prospère du sud de l’Egypte, qui a vraiment existé), il y avait (dit il) « de l'électricité. Les pyramides qu'on voit là, au sommet il y a de l'or, l'or c'est le meilleur conducteur pour l'électricité. C'était des foutues antennes, les gens avaient l'électricité (...). La science, que (les Égyptiens) avaient, dépasse l'entendement et les historiens le savent»..
Ça n’est qu’un début.
Une relecture très personnelle de la façon dont les Humains se sont installés petit à petit sur la terre. «L'Afrique a peuplé l'Europe avant les Européens, on les appelait les “Afropéens”, ils ont été décimés par les “vrais Européens”, qui venaient d'Asie, explique doctement Gims.
«50.000 ans avant les Européens, la notion de chevalerie, on l'avait déjà. On retrouve aujourd'hui des tableaux cachés dans des catacombes, c'est des “renois” qui sont en mode chevalier, Lancelot tout ça. Bien sûr que cela existait déjà, c'est juste qu'il faut connaître notre histoire.»
On n’est plus seulement dans l’invention totale et la réécriture alternative de l’histoire.
Plus seulement, non. C’est un cran au dessus. Les pyramides, ça a toujours suscité le fantasme, les théories occultes. Un terrain de jeu commode, parce que si l’Histoire et l’archéologie progressent, il y a encore des choses qu’on ne sait pas expliquer.
Là, c’est autre chose, un complotisme, soutendu par une intention politique. Ce que Gims dit, c’est qu’il y aurait une histoire des Noirs que l’on chercherait à cacher, pour des questions de domination raciale. Et cette histoire, pour lui, elle trouve ses prolongements dans la situation en République démocratique du Congo et de la guerre qui s’y déroule encore. Il explique dans la même interview que la guerre est alimentée par des multinationales occidentales pour faire baisser le prix du coton. « Il faut dire la vérité », répète Gims.
Une intention politique ?
Oui, la même que quand Gims appelait, en les musulmans à ne plus lui souhaiter la bon année et son anniversaire, préférant «qu'on se concentre sur nos trucs à nous», les «frères muslims». C’était un plaidoyer pour le séparatisme culturel. La suite, c’est le séparatisme historique. Une histoire pour chaque communauté.
Inquiétant ?
L’audience de Gims est énorme. Trois millions d’abonnés sur Twitter, 11 millions sur FB, 11 millions sur YT. Autant de personnes confrontées à ses délires, le mal est profond : cesont autant de personnes invitées à penser que le système éducatif leur ment, sur tout.
Le temps et l’énergie qu’il faut pour rattraper ça, pour corriger ces monceaux d’âneries auprès des collégiens, des lycéens, est considérable. Si on y parvient.