6:25
  • Copié
, modifié à

Le 24 octobre 1931, Al Capone (1899-1947) est condamné à 17 ans de prison dont 11 ans ferme après s’être rendu coupable de fraude fiscale. Dans les prisons qu’il occupe, à Philadelphie, Atlanta puis Chicago, le plus célèbre des gangsters américains jouit de nombreux privilèges. Mais en août 1934, alors qu’on le transfère dans une nouvelle prison d’état de haute sécurité située sur une île rocheuse de la baie de San Francisco, Al Capone dit adieu à son confort. Entre les murs d’Alcatraz, le prisonnier 85 est traité comme les autres. Pour s'occuper, il crée un groupe de musique, les Rock Islanders et troque sa mitraillette contre un banjo.

A l’issue de son procès, Al Capone a été condamné à 17 ans de prison, dont 11 pour fraude fiscale. C’était le 24 octobre 1931. Il ne s’en tirait pas si mal puisqu’il y avait, à l’époque, 5000 chefs d’accusation contre lui ; onze ans pour fraude fiscale, ce n’était finalement pas si mal.

Al Capone était bien gardé mais il a toujours été incarcéré dans des prisons où tous les passe-droits étaient possibles et autorisés. Les prisons précédentes étaient à Philadelphie, Atlanta et Chicago. Dans celles-ci, il occupait des cellules luxueuses, très bien aménagées avec moquette au sol, literie confortable, radio disponible… Il se faisait même livrer des petits plats maison et s’habillait de costume sur mesure en soie. Il avait certains privilèges téléphoniques et recevait la visite de ses amis détenus dans d’autres prisons. La belle vie, d’une certaine manière.

Une prison sous haute garde

Tout à coup, sans préavis, on le transfère avec une centaine d’autres détenus venus de tous les Etats-Unis dans la nouvelle prison d’état de haute sécurité : Alcatraz (cormoran, en espagnol). Située sur une île rocheuse de la baie de San Francisco, on la surnomme « The Rock ».

Il y arrive le 22 août 1934 et pour l’humilier, on le dépossède de son identité et il devient le prisonnier 85, comme pour tous les autres détenus. Là-bas, il n’a aucune chance de négocier des conditions de détention. Il va essayer de soudoyer un gardien, comme il l’a toujours fait mais il est immédiatement envoyé au cachot.

Il est également sous bonne garde : il y a un gardien pour trois détenus à Alcatraz, contre un pour douze à trente dans les autres prisons.

Le groupe de musique d'Al Capone

Mais alors, que faire à Alcatraz ? La lecture, naturellement. Al Capone s’abonne donc à 80 journaux et magazines. Mais surtout, il lui vient l’idée de créer un groupe de musique avec d’autres détenus. Pendant un an, il fait le siège du directeur de la prison, qui est un peu réticent mais qui finit par accepter. Le groupe s’appellera donc les « Rock Islanders », les insulaires du rocher.

Capone n’a jamais joué d’un instrument de musique mais qu’à cela ne tienne, il choisit le banjo. Il part de zéro, s’initie aux rudiments de la théorie musicale et devient assez vite capable de déchiffrer les notes et de solfier des partitions. Le batteur du groupe est un truand bien connu : George Machine Gun Kelly, un braqueur de banque mieux connu pour sa virtuosité à la mitraillette qu’aux percussions.

Mais voilà le groupe constitué. Al Capone finit par troquer son banjo contre une mandoline, puisque lui-même est d’origine napolitaine. Mais la musique, même lorsqu’il s’agit de mandoline, n’adoucit pas toujours les mœurs. Un jour, alors qu’il lave les couloirs près des douches, Al Capone est victime d’une agression : un détenu se jette sur lui pour le poignarder avec une paire de ciseaux. Al Capone aurait alors saisi sa mandoline qui était posée dans un coin et s’en serait servie comme matraque en l’écrasant sur la tête de son agresseur.

Quoi qu’il en soit, les représentations suivent leur cours, de manière laborieuse car les Rock Islanders n’ont le droit de répéter que vingt minutes par jour. C’est un peu court mais ils se produisent tous les dimanches devant les autres détenus. Al Capone semble avoir rapidement progressé de son côté : dans une lettre adressée à son fils, il se vante de connaître par cœur 500 chansons, en particulier des morceaux de bravoure, de music-hall. Il écrit à son fils : « Junior, il n’y a pas une partition de chanson que je ne puisse pas jouer ».

Les conséquences de la syphilis

Mieux que ça, il compose. Il compose d’ailleurs une chanson d’amour qu’il dédie à sa femme, Madonna Mia. Il faisait d’ailleurs bien de lui faire une chanson puisqu’il lui a tout de même donné la syphilis en la trompant avec une prostituée, maladie qu’il a lui-même attrapée.

Al Capone passe quatre ans et demi à Alcatraz, il est libéré en novembre 1939 et meurt huit ans plus tard, des complications neurologiques justement liées à la syphilis. Avant sa mort, Al Capone n’est plus en état de faire grand-chose, il ne pratique plus la mandoline, joue vaguement aux cartes. Il meurt dans son manoir de Palm Island le 27 janvier 1947.

Al Capone a malgré tout été l’un des premiers à pouvoir bénéficier d’un traitement à la pénicilline contre la syphilis mais la maladie était à un stade trop avancé.

La musique jouée à Alcatraz était malgré tout une belle victoire pour Al Capone qui, on le sait peu, était quasiment sourd.