Gretel Bergman, née en avril 1914, est une athlète allemande originaire du Wurtemberg, devenue championne du saut en hauteur mais qui avait le malheur d'être juive dans les années où se préparaient les Jeux Olympiques de Berlin en 1936.
Gretel Bergmann est née en avril 1914, à Laupheim, en Allemagne. Au XIXe siècle, cette petite ville était le siège de la plus grande communauté juive du royaume de Wurtemberg. Née sous le nom de Margaret Bergmann, elle est très sportive et durant sa jeunesse, s'essaye un peu à tous les sports. Elle finit par opter pour le saut en hauteur.
En 1934, un an après l'arrivée au pouvoir d'Hitler, Gretel réalise un saut de 1m55. Du haut de ses vingt ans à peine, c'est déjà un très beau résultat. Le problème, c'est que depuis que Hitler dirige le pays, les jeunes allemandes ne peuvent plus faire du sport que dans des organisations liées au parti nazi. Les jeunes filles peuvent pratiquer au sein de la Bund Deutscher Mädel, branche féminine des Jeunesses Hitlériennes. Mais les juifs sont exclus de tous les clubs et championnats allemands.
Les problèmes d'une athlète juive
Au printemps 1933, alors que Gretel est une jeune athlète prometteuse pour les Jeux Olympiques qui auront lieu trois ans plus tard, elle est radiée de son club. Son père est complètement sous le choc. Il profite d'un voyage d'affaires en Angleterre pour aller voir des clubs anglais qui pourraient accueillir sa fille. Une école londonienne accepte de scolariser la jeune fille et de l'intégrer dans le club d'athlétisme.
A cette époque, les Allemands sont confrontés à un problème : les Américains menacent de ne pas participer aux Jeux Olympiques à venir. La presse américaine est furieuse de la campagne allemande contre les Juifs et le gouvernement envisage très sérieusement le boycott pur et simple. Les Jeux Olympiques sont un outil de propagande efficace et les Allemands ne peuvent pas se permettre de perdre les Etats-Unis parmi les pays participants. Gretel est recontactée et fermement incitée à revenir en Allemagne où elle est autorisée à s'entraîner.
La jeune fille obtempère. Elle a peur pour sa famille, qui est toujours en Allemagne, et quitte l'Angleterre. Elle s'installe à Stuttgart et commence son entraînement. Mais même si l'Allemagne nazie a mis quelques principes de côté au vu des circonstances, être une athlète juive demeure extrêmement compliqué et Gretel en fait souvent les frais. L'antisémitisme d'Etat de l'époque interdit aux Juifs les terrains de sport publics, les piscines, les lacs, les rivières... Il est presque impossible de s'entraîner.
La débâcle des Jeux Olympiques de Berlin
A la fin du mois de juin 1936, un mois avant l'ouverture des Jeux de Berlin, Gretel Bergmann réalise un saut de 1m60 lors de l'un de ses entraînements. C'est le record d'Allemagne. Mais comment le gouvernement va-t-il réagir ? Il va tout simplement attendre que l'équipe américaine embarque sur son bateau, puis dire à Gretel que son résultat ne sera pas homologué, et que ses performances sont insuffisantes. Car en vérité, le parti nazi n'a qu'une crainte : que Gretel Bergmann gagne une médaille. Si une athlète allemande juive gagne au saut en hauteur à Berlin, ce serait une honte pour les nazis. Pour eux, la meilleure solution est de l'écarter.
Pour la remplacer, on choisit deux candidates. La première est Elfriede Kaun, et la deuxième, une certaine Dora Ratjen. On découvrira plus tard qu'il s'agissait d'un homme intersexe. Certaines théories affirment que les nazis auraient fermé les yeux sur l'identité de Dora Ratjen pour s'assurer que Gretel ne pourrait pas concourir.
L'épreuve de saut en hauteur est finalement remportée par une Hongroise, Ibolya Csák, qui s'impose sur une barre de 1m60, soit le record établi quelques semaines plus tôt par Gretel Bergmann. Cerise sur le gâteau, Ibolya Csák est juive. C'est une humiliation pour l'Allemagne nazie. Dora Ratjen termine troisième et deux ans après les JO, on lui impose des examens médicaux avant de lui retirer ses titres et de l'exclure de la fédération. Après la Seconde guerre mondiale, il accusera la Bund Deutscher Mädel de l'avoir forcé à l'imposture "pour l'honneur et la gloire du Reich".
Une longue reconnaissance
En 1937, Gretel Bergmann parvient à obtenir des papiers qui lui permettent de se rendre aux Etats-Unis. Elle n'a que quatre dollars en poche, c'est la somme maximale autorisée par les nazis. A son départ, elle se jure de ne jamais remettre les pieds en Allemagne.
En 1996, elle est l'invitée d'honneur du Comité olympique allemand aux JO d'Atlanta. En 2009, le président d'honneur de la fédération allemande d'athlétisme décide de reconnaître officiellement son record établi en juin 1936. La même année, le film Berlin 36 retrace l'histoire de sa vie.
Gretel Bergmann ne gagna aucune médaille. A son arrivée aux Etats-Unis, elle continua sa carrière sportive deux ans durant avant de rencontrer un Américain et de l'épouser.